LA QUÊTE DES 300 KM/H
AVEC LA GIULIA
QUADRIFOGLIO

Le reportage Sport-Auto.ch du 13 février 2020

Rédaction : Laurent Missbauer
Photographies : Gaëtan Brunetti, Laurent Missbauer, D.R. archives

L’Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio est l’une des berlines les plus rapides du monde. Avec son moteur V6 2.9L bi-turbo de 510 ch développé par Ferrari, sa vitesse de pointe est de 307 km/h. Mais les atteint-elle vraiment ? Pour le savoir, nous nous sommes rendus sur les autoroutes allemandes à vitesse illimitée. Ce roadtrip fait ainsi écho à notre récent essai complet de cette même auto paru en novembre 2019

Les « Autobahnen » allemandes étaient aussi empruntées jadis par le célèbre pilote suisse Jo Siffert, concessionnaire Porsche et Alfa Romeo à Fribourg. Le virus Alfa a rapidement contaminé Jo Siffert. C’est en effet au volant d’une Giulietta Spider qu’il dispute la première course de sa carrière lors du cours de licence de pilote sur le circuit de Montlhéry en 1960. Comme l’a relevé son biographe Jacques Deschenaux, grand Alfiste lui aussi, Siffert s’y distingua par une formidable attaque.

Au mois d’octobre 1971, alors qu’il représente la marque milanaise depuis plusieurs années, Jo Siffert signe un contrat de pilote d’usine chez Alfa Romeo afin de piloter la redoutable 33 dans le championnat du monde d’endurance de 1972. Le 25 octobre 1971, au lendemain de l’accident mortel dont il allait être victime avec sa BRM de F1 à Brands Hatch, il était d’ailleurs attendu au siège de la marque à Milan pour finaliser le programme d’essai et découvrir l’Alfasud qui allait être présentée en première mondiale la semaine suivante au Salon de Turin.

Jo Siffert espérait vendre de nombreuses Alfasud à Fribourg. Jusque-là, les Alfa étaient réservées à une élite à fort pouvoir d’achat et l’Alfasud, la première traction avant de classe moyenne de la marque, allait lui permettre de toucher des clients moins fortunés. Jo Siffert, qui était également agent Porsche, s’apprêtait à rééditer la même opération menée à partir de 1969 avec la VW-Porsche 914 dont il avait été le meilleur vendeur de toute la Suisse ! À l’image de l’Alfasud, la 914, bien moins chère que la 911, lui avait en effet permis d’élargir considérablement le cercle de ses clients.

C’est devant l’ancien garage Alfa Romeo de Jo Siffert à Villars-sur-Glâne que débute notre roadtrip. La Giulia Quadrifoglio fait forte impression avec ses lignes racées qui n’ont pas pris une ride depuis sa sortie en 2015. Ce garage est aujourd’hui une agence Volvo mais ses patrons y exploitent également une annexe consacrée aux voitures de caractère et son show-room comprend de nombreuses photos de Siffert. Sur l’une d’entre elles, on le voit avec son grand ami, le sculpteur Jean Tinguely.

C’est justement devant la fontaine Jo-Siffert, offerte à la Ville de Fribourg par Jean Tinguely, qu’est prévue la prochaine pause photo avant de mettre le cap sur la vieille-ville où le pilote fribourgeois a vu le jour le 7 juillet 1936. Nous prenons ensuite les routes de la Singine et du Gurnigel, lesquelles vont nous permettre de commencer à exploiter l’auto. La conduite de la Giulia Quadrifoglio y est un véritable régal avec son excellente boîte automatique ZF à huit rapports et son châssis affûté.

Les rapports sont parfaitement étagés et les virages s’enchaînent avec une rare efficacité. Au gré du trafic, je passe du mode Dynamic au mode Race et partage pleinement l’enthousiasme de mes collègues Sébastien (ici) et Bob (ici et ici) qui ont essayé cette Giulia de 510ch dans deux configurations différentes. Le moteur six cylindres rugit avec bonheur et son écho résonne dans la montagne. Nous rejoignons ensuite Berne où débute le tronçon le moins intéressant du roadtrip : 189 km d’autoroutes et de semi-autoroutes jusqu’à la douane de Thayngen (SH), à la frontière entre la Suisse et l’Allemagne, cela avec plusieurs tronçons limités à 100 et même à 80 km/h.

Sur ces 189 km couverts en 2h03, nous avons tout loisir d’apprécier le confort de la Giulia Quadrifoglio. Celle-ci n’est pas seulement un fauve prêt à bondir d’une courbe à l’autre sur nos cols, c’est également une grande routière silencieuse. Le trafic, très dense sur le contournement de Zurich, me permet d’apprécier le régulateur de vitesse adaptatif.

Quarante minutes plus tard, nous sommes enfin sur l’autoroute allemande à vitesse illimitée qui relie Singen à Stuttgart. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, je passe de 120 à 220 km/h. Les 250 km/h sont atteints avec une facilité déconcertante et, contrairement à bon nombre de puissantes voitures allemandes dont la vitesse est bridée à 250 km/h de série, la Giulia Quadrifoglio continue à accélérer fort tout en demeurant très stable. Le compteur de vitesse numérique défile rapidement : 260, 270, 280, 290 et enfin 292 km/h, vitesse à laquelle je lève le pied après avoir distingué, au loin, une voiture qui déboîte sur la piste de dépassement.

Au fur et à mesure que je m’approche de Stuttgart, la circulation augmente et je ne serai pas en mesure de dépasser les 292 km/h atteints précédemment (voir notre vidéo ci-dessus). Qu’à cela ne tienne, je suis déjà suffisamment content de rouler en toute légalité à des vitesses arbitrairement interdites en dehors de l’Allemagne. A ces vitesses-là, les conducteurs sont parfaitement concentrés sur la conduite, ce qui est également un gage de sécurité.

Et à propos de sécurité, la Giulia Quadrifoglio s’est avérée particulièrement stable à haute vitesse. Même dans de grandes courbes abordées à plus de 200 km/h, je n’ai jamais eu les mains moites. Les ingénieurs d’Alfa Romeo ont vraiment réalisé une voiture exceptionnelle, à la fois incroyablement rapide et sécurisante. Cela est notamment le résultat de l’appui aérodynamique procuré par l’imposant diffuseur arrière épaulé par différents appendices ainsi qu’une lame avant en carbone qui se déploie automatiquement (vidéo) lorsque les conditions de conduite l’exigent. Ces dispositifs offrent à la voiture une portance négative (déportance), caractéristique peu courante sur des voitures de série.

Si la vitesse vous fascine, le Musée Porsche de Stuttgart vaut largement le détour, ne serait-ce que pour y admirer la fabuleuse la Porsche 917 avec laquelle Jo Siffert remporta de nombreuses victoires de 1969 à 1971. Vous y apprendrez qu’une 917 avait été chronométrée à 386 km/h sur la ligne droite des Hunaudières lors des essais préliminaires des 24 Heures du Mans en 1971. Cette vitesse vertigineuse incita les autorités sportives à bannir les Porsche 917 à partir de 1972. Ce qui incita Jo Siffert à signer chez Alfa Romeo. Gageons que le pilote fribourgeois aurait eu autant de plaisir que nous aujourd’hui à tutoyer les 300 km/h à bord de cette Giulia Quadrifoglio, la berline la plus rapide jamais construite par Alfa Romeo.

Remerciements

Merci à FCA (Fiat Chrysler Automobiles Switzerland SA) pour le prêt de cette Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio, ainsi qu’au garage GSG Racing Concept pour sa collaboration.

Tous nos essais de A à Z :

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