BENTLEY
FLYING SPUR
W12 S

L’essai Sport-Auto.ch du 21 février 2018

Rédaction : Bob de Graffenried
Photographies : Bob de Graffenried

Prendre le volant d’une Bentley est toujours un moment privilégié. Porte ouverte, il y a d’abord cette odeur particulière émanant du cuir garni à la main reconnaissable entre mille. Il y a ensuite le moment où l’on y entre en prenant soin de ne pas salir le seuil en aluminium anodisé estampillé « W12 S ». Puis le réglage des sièges, de la direction, des rétroviseurs… Tout ce qu’on fait habituellement en roulant, ou au mieux lors du prochain arrêt feu rouge. Au volant d’une Bentley, le temps s’arrête malgré nous, mais sans que l’on ressente la moindre contrainte. C’est comme si elle nous prenait notre temps. Mais de quelle manière va-t-elle nous le rendre ? Voici quelques éléments de réponse après 6 jours d’essai et 772 photos.

Avant de quitter l’agence de Bentley Lausanne, j’ai pris soin d’emporter le catalogue du modèle qui me concerne : la Flying Spur. Cette berline de 5,3 mètres se place entre la Continental  – Le coupé Bentley par excellence – et la Mulsanne, plus luxueuse encore, qui existe même dans une version « Extended Wheelbase » de 5,9 mètres que nous avons pu tester l’année passée. De retour à la maison, je consulte ce livre de 123 pages afin de « prendre la température » de ce qui m’attend, mais aussi pour me remémorer tout le soin apporté à la fabrication de ces voitures d’exception que sont les Bentley. On y apprend notamment que les angles nets surplombant ses flancs sont le fruit d’une opération de superformage, consistant à chauffer l’aluminium à 500 degrés avant d’être formé à l’air comprimé. A l’intérieur, 17 teintes de cuir et 8 types de placages viennent compléter les 106 couleurs disponibles pour la carrosserie… à moins que vous ne préfériez créer la vôtre !

0-100km/h (s) : 4.5

Vmax (km/h) : 325

rapp. poids/puiss. (kg/ch) : 3.89

4×4
12 cyl. 6.0L bi-turbo
635 ch / 820 Nm
2’475 kg

Le lendemain, les réjouissances peuvent commencer. Comme la neige est annoncée au Marchairuz, nous n’allons pas rater cette occasion de jauger les facultés de « l’une des meilleures tractions intégrales du monde » selon Bentley. Sur le trajet, Sébastien pestera sur l’absence de port USB pour recharger la caméra. Il y a pourtant 5 prises 12 V allume-cigare (dont une dans le coffre), mais il faudra se procurer un adaptateur pour recharger un appareil USB. Pas non plus de caméra 360 degrés, de feux longue portée automatiques, ni encore moins de base de recharge sans fils… On dirait bien que Bentley a un train de retard sur la concurrence. Cela n’empêche pas la clientèle de débourser 182’500 euros (hors options) pour cette Flying Spur W12 S, car son attrait demeure bien ailleurs : prestige, raffinement, personnalisation sans limite, sans oublier la pièce maîtresse : un moteur W12 bi-turbo de 6.0L développant 635 ch et 820 Nm de couple. Une véritable espèce en voie de disparition à l’heure où tout le monde parle d’hybridation.

Concrètement, la neige n’est pas vraiment la meilleure amie de cette belle anglaise aux traits athlétiques. Si elle parvient à donner le change dans l’exercice des donuts (il paraît que lorsqu’on est au volant sur une place enneigée, on a tous 5 ans d’âge mental), le passage du col du Marchairuz se fera en revanche avec un œuf sous le pied droit. Son poids élevé et ses pneus très larges – 275 mm aux 4 coins – incitent à la prudence notamment sur les portions en dévers. Dans le crépuscule d’un hiver qui bat son plein, la descente s’effectue au pas, mais le quatuor retranscrit par la sonorisation Hi-Fi Naim à 13 canaux (6’130 euros) permet d’évoluer en toute sérénité.

De retour au sec, demain est un autre jour et c’est Angélique qui m’accompagne pour goûter à tout le raffinement qu’offre la Bentley Flying Spur. Tous les réglages sont électriques, des appuis-tête au réglage de hauteur de ceinture en passant par l’allongement de l’assise. Les sièges s’avancent et s’inclinent également à l’arrière, et comportent eux aussi les fonctions massages, chauffage et ventilation, lorsque les rideaux pare-soleil automatiques ne suffisent pas. De quoi se sentir à l’aise et bien choyé, même si par rapport à la Mulsanne, la garde au toit inférieur peut occasionner un sentiment de confinement. Le meilleur se situe sans doute entre les deux sièges arrière, mais gardons cela pour la fin : on ne boit pas en conduisant !

La Flying Spur étant de même génération que les Continental GT Speed et Supersports déjà essayées, c’est sans surprise que je constate l’absence de start-stop et de mode de conduite économique. Pour profiter au maximum de son inertie une fois lancée, il faudra donc placer soi-même le levier en position neutre, ce qui vu l’appétit du W12 de 6.0L, peut faire gagner plusieurs l/100km. Bien sûr, cela n’est valable que sur les légères descentes, durant lesquelles le frein moteur induit par le rapport engagé ralentit l’auto et oblige à solliciter régulièrement les gaz au lieu de filer sur son élan en mode débrayé (aussi appelé « coasting » pour les transmissions faisant elles-mêmes cette manœuvre, comme la PDK de Porsche ou la DSG de Volkswagen).

Et si on s’amusait un peu ? Transmission et suspensions paramétrées en mode Sport, une portion sinueuse en approche… Go ! Freinage consistant faisant généreusement plonger l’avant, avant de se cabrer brutalement en arrière lors de la relance, et c’est reparti pour une douce symphonie orchestrée par ses 12 cylindres ! Douce, comme sa transmission Quickshift à 8 rapports qui n’a de rapidité que le nom. Laisser de côté le mode Sport automatique au profit du mode manuel ? Pas vraiment opportun, vu qu’il s’écoule près d’une seconde avant que l’action sur les palettes ne soit ordonnée à la transmission… Ajoutez à cela un « overrun » moteur important au relâché des gaz, et vous conclurez que conduire rapidement un tel engin de 2.5 tonnes requiert à la fois motivation et anticipation.

Après tout, vous me direz que c’est normal, on ne fait pas de la voltige avec un jet privé ! Oui, mais s’agissant de la Flying Spur la plus débridée avec son moteur W12 de 635 ch, j’espérais un peu plus de sport ainsi qu’une sonorité plus affirmée. Le catalogue indique pourtant la présence d’un châssis « plus réactif » sur la version W12 S… Tout comme les freins carbone-céramique (11’370 euros), le moteur est volontaire et pousse sans discontinuer à tous les régimes, mais il n’est pas suffisamment bien entouré pour susciter l’envie de l’exploiter pleinement ! On se consolera en se disant que l’empattement conséquent et les pneumatiques de 275 mm chaussés sur les jantes de 21 pouces lui confèrent une excellente stabilité, permettant de trinquer en toutes circonstances – et jusqu’à 325 km/h – avec les flûtes en cristal du pack Mulliner… Une option à 7’600 euros qui comprend également le réfrigérateur central. Quand on aime, on ne compte pas !

L’avis de Sport-Auto.ch

Après 649 km et CHF 210.- de sans plomb 98, que retenir de cette Bentley Flying Spur W12 S ? Tout d’abord, il faut justifier certaines absences technologiques par le fait que la conception de la Flying Spur date de 2013, et qu’elle sera remplacée en 2019. En attendant, les geeks impatients peuvent se tourner vers la Bentayga ou la nouvelle Continental, toutes deux à la pointe. Vu les volumes de production faibles et l’assemblage manuel nécessitant pas moins de 130 heures de travail pour chaque exemplaire, il est légitime que le constructeur de Crewe ne soit pas en mesure de renouveler plus rapidement ses modèles.

Reste que stylistiquement, la Bentley Flying Spur W12 S n’a pas son pareil dans la production automobile actuelle. Ses traits athlétiques et son aspect massif, conjugués à une éternelle touche vintage, lui confèrent sportivité et classicisme à l’anglaise. Et si elle n’est pas la plus passionnante à conduire, elle demeure l’une des rares automobiles à être encore disponible avec un moteur W12, ce qui reste une marque de prestige pour la clientèle très fortunée à qui elle s’adresse.

bob[@]sport-auto.ch

Pour...
  • Réussite stylistique
  • Personnalisation infinie
  • Raffinement
  • Freins carbone-céramique
  • Moteur W12
Contre...
  • Boîte “Quickshift” lente
  • Pas de port USB
  • Sonorité étouffée
  • Pas de start-stop ni mode Eco
  • Ventilation audible à faible allure

Merci à Bentley Motors pour le prêt de cette Bentley Continental GT Speed Convertible Black Edition, ainsi qu’à Angélique M. d’avoir posé pour les photos de cet essai.

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