LES HYBRIDES RECHARGEABLES
TORPILLÉES À TORT PAR
UNE ÉTUDE VALAISANNE

 

17.01.2022 – Bob de Graffenried

Ces derniers jours, vous avez sans doute remarqué la publication de plusieurs articles annonçant la suppression, dans le canton du Valais, des subventions aux véhicules hybrides rechargeables. Cette décision fait suite à une étude financée par le canton du Valais réalisée en Valais par l’entreprise Impact Living. Sport-Auto.ch s’est plongé dans ce rapport de 38 pages aux conclusions alarmantes quant à l’efficience de ces véhicules. Et ce que nous y avons découvert est assez édifiant.

Si on peut saluer la relative transparence de l’étude, on peut en revanche critiquer la manière dont elle a été réalisée ainsi que la conclusion qui manque d’objectivité face aux chiffres obtenus. Voici ce que nous reprochons principalement à cette étude :

 

1 – Un préambule mensonger à l’encontre des hybrides rechargeables

 

Dans son introduction à la page 2, les auteurs commencent par dresser un tableau résumant les enseignements de l’étude. On y lit notamment « La variabilité de la consommation entre les différents usagers est importante. Toutefois, même un conducteur avec des bornes de recharges à la maison et au travail et effectuant des petits trajets n’atteint pas les valeurs des constructeurs. »

Ceci est faux et largement démenti par l’un des participants qui, sur une distance de 3’501 km, n’a consommé que 1,09 l/100 km de moyenne. Cette consommation correspond, selon l’étude, à un rejet moyen de 25,96 grammes de CO2 par km, soit une valeur pratiquement deux fois inférieure aux 46 grammes annoncés par le constructeur. Juste au-dessus dans le même tableau, l’étude dénonce une consommation d’essence effective de +116% par rapport aux valeurs constructeurs, sans indiquer qu’il est également possible de consommer nettement moins d’essence qu’annoncé lorsque l’utilisateur recharge suffisamment souvent son véhicule pour rouler majoritairement en mode électrique.

2 – La période choisie pour mener l’étude

 

La page 13 de l’étude mentionne que « Les données de consommation ont été collectées pendant une période de 3 mois (juillet-août-septembre). Durant cette période, certains participants ont effectué des trajets hors de la Suisse (vacances). Les trajets occasionnels hors cantons sont quant a eux comptabilisés dans les résultats. »

Lorsqu’un utilisateur de véhicule hybride rechargeable effectue un séjour hors de son domicile, il n’a logiquement plus accès à ses points de recharges habituels. L’avantage de ces véhicules étant justement leur flexibilité grâce au moteur thermique permettant de couvrir des longues distances, la consommation moyenne d’essence sera automatiquement plus élevée pendant les vacances que pendant le reste de l’année. A l’inverse, les véhicules thermiques sont avantagés par ce choix, les longues distances parcourues sur l’autoroute aboutissant à des consommations inférieures que lors des petits trajets quotidiens ! En outre, l’étude ne précise pas le nombre de kilomètres effectués par les participants lors de leurs vacances, ceux-ci étant uniquement interrogés sur leurs trajets quotidiens (pages 35-38).

 

3 – Les modèles choisis pour l’échantillon des hybrides rechargeables

 

Sous prétexte qu’il ait connu un fort succès dès sa commercialisation, le Mitsubishi Outlander PHEV est largement sur-représenté, avec 15 véhicules sur 20, ce qui ne reflète absolument pas l’offre sur le marché actuel. Même si la consommation d’essence dépendra plus de la fréquence de recharge que du modèle, il aurait été plus cohérent d’avoir un éventail plus varié de véhicules. En effet, cet échantillon n’est constitué que de SUV à transmission intégrale pesant plus de 1’900 kg à vide. Sur le lot de 20 véhicules, 19 mesurent plus de 4,68 m. Seul l’Opel Grandland X, avec sa longueur de 4,47 m, est un SUV de taille moyenne. Il existe pourtant sur le marché des modèles plus compacts et sans transmission intégrale (… et donc plus légers et plus efficients). La puissance moyenne de cet échantillon est de 244 chevaux.

4 – Les modèles choisis pour l’échantillon des véhicules thermiques

 

Face à ces hybrides rechargeables, l’étude oppose un échantillon de 15 véhicules thermiques qui présentent des caractéristiques bien plus variées, mais surtout inférieures. Face à des SUV de 2 tonnes, on se demande bien ce que viennent faire des modèles comme la Smart Fortwo, la Dacia Sandero, la Mercedes A180, la VW Golf ou encore les Suzuki Swift et Celerio, dont le volume et la pénétration dans l’air (SCx) sont bien inférieurs. Sans que l’étude ne le mentionne, il apparaît qu’au moins la moitié des véhicules de cet échantillon ne sont pas équipés de la transmission intégrale. De plus, 5 d’entre eux sont équipés d’un moteur diesel, ce qui contribue encore à tirer les valeurs de consommation du lot vers le bas alors que les 20 hybrides rechargeables sont tous dotés d’un moteur essence. La puissance moyenne de cet échantillon est de 148 chevaux.

L’étude précise cependant que « Ces véhicules ne sont pas des modèles thermiques équivalents aux hybrides sélectionnés, mais pourront être comparés en fonction de leur puissance ainsi que de leur poids à vide. » Pourtant, à la fin du rapport, les auteurs n’hésitent pas à confronter les consommations d’essence obtenues par les deux échantillons, après avoir écrit noir sur blanc qu’ils ne sont pas équivalents !

 

5 – Une méconnaissance de l’automobile et de l’agrément fourni par l’entraînement électrique

 

Pour justifier le fait que les véhicules thermiques choisis soient moins puissants, on peut lire à la page 23 : « Il faut relever que pour une même puissance les véhicules hybrides rechargeables présentent des consommations de carburant un peu inferieures aux véhicules thermiques. Mais il faut pondérer cette puissance par le fait que ces véhicules sont également plus lourds du fait de leur double motorisation. Ce n’est donc pas parce qu’ils sont plus puissants qu’ils sont plus performants en termes de conduite. »

Si cela peut s’avérer vrai dans certains cas, cela ne justifie en aucun cas une aussi grande différence de gabarit, de poids et de puissance entre les véhicules des deux échantillons, ni encore moins que certains véhicules thermiques choisis soient dépourvus de la traction intégrale et/ou dotés d’un moteur diesel.

De plus, le couple supplémentaire fournit instantanément par le moteur électrique procure aux hybrides rechargeables un agrément de conduite supérieur à celui de la plupart des véhicules thermiques comparés.

 

6 – Une conclusion qui nie la réalité des chiffres obtenus

 

A la page 33 du rapport, la conclusion commence par citer les chiffres de consommation obtenus pour les deux catégories de véhicules :

« Les résultats de notre étude montrent que sur le lot des 20 véhicules hybrides plug-in, la consommation moyenne de carburant s’élève à 4.94 l/100 km contre 7.01 l/100 km pour le lot des 15 véhicules thermiques conventionnels. Malgré une puissance moyenne du lot hybride plug-in plus élevée, 244 chevaux contre 148 chevaux pour les thermiques, les consommations perçues sont légèrement inferieures. »

On constate donc que les véhicules hybrides rechargeables ont consommé 2,07 l/100 km de moins que les véhicules thermiques, soit une valeur inférieure de 30%, alors qu’ils ont une puissance supérieure de 72%. Ils ont donc largement gagné au jeu de « qui consomme le moins de carburant », ce tout en étant en moyenne plus habitables, plus performants et dotés d’une moins bonne pénétration dans l’air (SCx) que les véhicules thermiques comparés.

Si l’étude avait choisi uniquement des SUV à traction intégrale et moteur essence pour l’échantillon des voitures thermiques, il est évident que les hybrides rechargeables auraient encore davantage démontré leur efficience. Pour avoir un début de réponse, concentrons-nous sur les SUV thermiques équipés d’un moteur essence et dont les dimensions correspondent aux SUV hybrides rechargeables incriminés. Sur les 15 véhicules thermiques, seuls 2 répondent à ces critères : le Renault Koleos (4,67 m, 171 ch, WLTP 9,3 l/100 km) et le Mercedes GLB (4,63 m, 224 ch, WLTP 9,1 l/100 km). La consommation moyenne de ces deux véhicules mesurée pendant l’étude est de 9,62 l/100 km, une valeur que l’on peut estimée fiable car très proche des consommations annoncées pour le cycle WLTP. Cette consommation est supérieure de 21% aux 7,95 l/100 km de l’unique participant déclarant n’avoir jamais rechargé son Mitsubishi Outlander PHEV (4,69 m, 224 ch).

Ainsi, les seules mesures comparables de cette étude montrent que, même sans le recharger, un véhicule hybride rechargeable demeure plus efficient qu’un véhicule thermique. Cette efficience va ensuite grandissante en fonction de la fréquence à laquelle l’utilisateur recharge son véhicule. D’ailleurs, avec 4,94 l/100 km de moyenne, les 20 hybrides rechargeables d’une puissance moyenne de 244 chevaux se sont avérés pratiquement deux fois plus efficients que les deux SUV thermiques équivalents d’une puissance moyenne de 197,5 chevaux. 

Mais malheureusement, la suite de la conclusion nie les faits pour se concentrer sur les objectifs climatiques : « L’hybride plug-in n’apparait tout de même pas comme une solution au vu des résultats. En situation réelle, la moyenne des hybrides plug-in est légèrement au-dessus des 118 gr de CO2/km valeur cible pour 2021. Cette technologie ne permet donc en aucun cas d’accélérer l’atteinte des objectifs climatiques de 2030 et encore moins ceux de 2050. »

Sur les ondes de la RTS, Marc Muller, fondateur de Impact Living et co-auteur de l’étude, va même plus loin en qualifiant ces véhicules d’arnaque, en citant « un véhicule dont la fiche d’homologation annonce 2 l/100km qui consomme en réalité 7 l/100km ». Premièrement, la consommation moyenne relevée sur les 15 modèles hybrides rechargeables de l’étude est de 4,94 l/100km et non de 7 l/100km comme il l’affirme. Deuxièmement, il faut aussi prendre en compte la consommation électrique qui est indiquée sur l’étiquette-énergie.

Pour la Cupra Leon ST e-Hybrid par exemple, l’étiquette-énergie indique une consommation WLTP de 1,6 litres d’essence + 16,6 kWh pour 100 kilomètres (exemples de consommation réelle en annexe). Or, l’étude se concentre uniquement sur la consommation de carburant relevée par les participants. Si certains en ont consommé plus qu’annoncé, c’est qu’en contrepartie ils ont consommé moins d’électricité. Pour pouvoir parler d’arnaque, il faudrait prouver que la consommation totale (essence + électricité) est nettement supérieure à ce qui figure sur l’étiquette-énergie.

 

La Conclusion de Sport-Auto.ch 

 

En corrigeant le biais décrit au point 4, et malgré le biais incorrigible décrit au point 2, nous avons illustré au point 6 que la consommation d’essence moyenne obtenue par les véhicules hybrides rechargeables est pratiquement deux fois inférieure à celle obtenue par les véhicules thermiques équivalents.

Les véhicules hybrides rechargeables embarquant à la fois un moteur thermique et un moteur électrique pouvant fonctionner indépendamment, il persistera toujours des écarts importants du mélange carburant-électricité consommé suivant les utilisateurs et les distances parcourues. Toutefois, on peut raisonnablement penser que cet écart va diminuer avec la densification des infrastructures de recharge et l’augmentation de la capacité des batteries (Wh/kg). Dès lors, pourquoi supprimer les subventions liées à ces véhicules ? D’autant plus que, même lorsqu’ils ne sont jamais branchés à une prise, ils permettent non seulement de récupérer l’énergie lors des freinages et des descentes, mais aussi de recharger ponctuellement leur batterie en roulant, ce qui permet d’émettre moins de pollution en ville, là où les véhicules thermiques en émettent le plus au kilomètre.

En supprimant les subventions liées aux véhicules hybrides rechargeables, le canton du Valais espère certainement orienter les acheteurs vers des modèles 100% électriques encore plus respectueux de l’environnement. Toutefois, comme le laisse également entendre l’étude réalisée par Impact Living, une bonne partie de la population n’est pas encore prête à franchir ce pas pour de multiples raisons. Dès lors, les véhicules hybrides rechargeables étant plus coûteux à l’achat, le risque est que, sans contrepartie, une part importante de leurs acheteurs potentiels se rabatte sur un véhicule thermique, moins cher et moins contraignant qu’un modèle 100% électrique, mais sensiblement plus polluant qu’un hybride rechargeable.

 

Bob de Graffenried – bob[@]sport-auto.ch

 

Ayant relu et/ou contribué à ce qui précède, les membres suivants de la rédaction de Sport-Auto.ch s’associent à l’auteur :

Sébastien Moulin – sebastien[@]sport-auto.ch
Anthony Monnier – anthony[@]sport-auto.ch
Michael Esteves – michael[@]sport-auto.ch
Gaëtan Brunetti – gaetan[@]sport-auto.ch
Nuno Ferreira – nuno[@]sport-auto.ch

Annexe – Exemples de consommation d’un véhicule hybride rechargeable

 

Les 12 novembre dernier, lors de notre essai de la Cupra Leon ST e-Hybrid, nous avons d’abord rallié Ecublens depuis Vevey en longeant le lac (parcours plat mêlant des portions à 80, 60 et 50 km/h). Comme le montre la photo ci-dessous, la consommation électrique est plus élevée qu’annoncée, mais nous n’avons consommé aucun litre d’essence (donc valeur plus faible qu’annoncée). L’autonomie restante annoncée après 26 km est de 4 km, ce qui porte l’autonomie en mode électrique à une trentaine de kilomètres, soit presque autant que le déplacement moyen quotidien en Suisse qui est de 36,8 km.

Plus tard, nous repartons d’Ecublens (402 m d’altitude) pour nous rendre à Châtel-Saint-Denis (805 m) en prenant l’autoroute, sans avoir rechargé la batterie. Il en résulte une consommation de 7.0 l + 1,8 kWh /100km. Cette fois, c’est l’inverse, la consommation d’essence est certes 4,4 fois plus élevée qu’annoncé, mais la consommation d’électricité est quant à elle 9,2 fois plus faible ! Considérant que la différence d’altitude positive est de 403 m et qu’il s’agit d’un break de 4,66 m avec une puissance cumulée de 245 ch, nous pouvons affirmer que ce véhicule tient ses promesses en matière d’efficience. Notons au passage que nous vérifions toujours à la pompe les consommations indiquées dans les véhicules, et que pour ce modèle, la consommation indiquée par l’ordinateur de bord correspond à la consommation réelle.

Edit 20.01.2022  – Sport-Auto.ch donne son avis dans le journal de Canal9 :

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