LES 100 ANS
DE JEAN
TINGUELY

Le reportage Sport-Auto.ch du 20 mai 2025

Texte: Laurent Missbauer
Photos: Laurent Missbauer, Musée Tinguely, Bâle Tourisme, Fribourg Tourisme

En vue du 100e anniversaire de la naissance de Jean Tinguely, ce 22 mai, Sport-Auto.ch rend hommage au plus célèbre des artistes fribourgeois en soulignant les liens étroits qui l’unissaient à l’automobile, à la F1 et aux pilotes auxquels il vouait une très grande admiration. Reportage sur les traces de Jean Tinguely, à Bâle, tout d’abord au Musée Tinguely, puis à Fribourg, sa ville natale, devant la fontaine Jo Siffert ainsi qu’à l’Espace Jean Tinguely-Niki de Saint Phalle et au MAHF, le Musée d’art et d’histoire de Fribourg.

S’il est un artiste dont plusieurs œuvres sont étroitement liées à la compétition automobile, c’est bien Jean Tinguely, photographié ci-dessus en compagnie du pilote fribourgeois Jo Siffert qui lui montre une partie de sa collection de voitures anciennes. Originaire de Pont-la-Ville en Gruyère, né à Fribourg le 22 mai 1925 et décédé à Berne le 30 août 1991, Jean Tinguely fait actuellement l’objet d’une exposition temporaire particulièrement intéressante au Musée Tinguely de Bâle. Celle-ci, intitulée «La roue c’est tout!», présente sous un jour nouveau plusieurs de ses œuvres, notamment le triptyque (photo ci-dessus à droite) qui rend hommage au pilote suédois Joakim Bonnier décédé le 11 juin 1972 aux 24 Heures du Mans. Bon à savoir: différents films documentaires, dont «Jean Tinguely, le sport automobile ou la passion de l’absurde», seront diffusés en permanence durant toute la durée de l’exposition.

Evoquer le Musée Tinguely, qui vaut à lui seul le déplacement à Bâle, c’est avant tout évoquer son concepteur, le célèbre architecte tessinois Mario Botta. Après la Banque de l’Etat de Fribourg (1981), la Cathédrale d’Evry (1988) ou encore le Musée d’art moderne de San Francisco (1995), pour ne citer que trois de ses nombreux bâtiments emblématiques, Mario Botta a en effet conçu le Musée Tinguely (1996) de façon à ce que ses salles accueillent les machines géantes de Jean Tinguely, à commencer par «Pit-Stop», sculpture mobile réalisée à partir de différents éléments de deux monoplaces Renault de F1 d’Alain Prost et d’Eddie Cheever, et surtout par la «Grosse Méta-Maxi-Maxi-Utopia» qui mesure 8 m de haut et qui est surmontée de la partie avant d’une Porsche 908 pilotée autrefois par Jo Siffert.

La «Grosse Méta-Maxi-Maxi-Utopia» est la plus grande sculpture mécanique de Jean Tinguely, la seule sur laquelle on puisse marcher! Elle est constituée d’innombrables rouages qui, animés par des moteurs, mettent en mouvement plusieurs roues, dont celle d’une monoplace de F1 de son grand ami, le pilote fribourgeois Jo Siffert.

Outre le triptyque «Mémorial à Joakim Bonnier», «Pit-Stop» et la «Grosse Méta-Maxi-Maxi-Utopia», on citera encore «Les cinq veuves», cinq poupées géantes conçues par Eva Aeppli, la première épouse de Jean Tinguely, qui posent à côté d’une ancienne Lotus de F1 de Jim Clark. Double champion du monde de F1, en 1963 et en 1965, Jim Clark a été victime d’un accident mortel, le 7 avril 1968, sur le circuit de Hockenheim, pour la plus grande peine de ses quatre sœurs et de sa mère, qualifiées justement de cinq veuves par Jean Tinguely!

Le décès de Jim Clark, lors d’une course de F2 sans grande importance, dévasta également Jean Tinguely. Il en fut de même lorsque Jo Siffert perdit la vie, trois ans plus tard, le 24 octobre 1971 à Brands Hatch, lui aussi lors d’une course secondaire, en l’occurrence un grand prix de F1 ne comptant pas pour le championnat du monde de la spécialité. A sa mémoire, Jean Tinguely n’offrit pas seulement la Fontaine «Hommage à Jo Siffert» à la ville de Fribourg – dont on voit ci-dessus la cathédrale et la vieille-ville – , il participa également aux commémorations du 10e anniversaire de la mort du pilote fribourgeois à la course de côte de St-Ursanne – Les Rangiers.

Après les décès de Jim Clark, et surtout ceux de Jo Siffert et de Joakim Bonnier avec lesquels il s’était lié d’amitié, Jean Tinguely reporta son amour de la F1 sur Jacky Ickx, Clay Regazzoni et Niki Lauda. Ce dernier nous avait confié, il y a quelques années, qu’il conservait, dans son bureau de Vienne, la sculpture que lui avait offerte Jean Tinguely: «Il s’agit d’un pot de fleur surmonté d’une plume qu’un petit moteur électrique faisait monter et descendre», nous avait détaillé le triple champion du monde de F1. Niki Lauda vouait une grande admiration à Jean Tinguely. Lui, qui avait l’habitude de donner à chacun des avions de sa compagnie aérienne Lauda Air le nom d’une personnalité, par exemple John Lennon, Romy Schneider ou Ayrton Senna, baptisa ainsi un de ses avions «Jean Tinguely»! Relevons également que Jean Tinguely avait offert à Jo Siffert un collage (photo ci-dessous). Intitulé l’organigramme, il passe en revue la vie trépidante du pilote fribourgeois quelques mois avant son décès survenu sur le circuit de Brands Hatch, le 24 octobre 1971.

Dans la nouvelle exposition «La roue c’est tout!», le film documentaire «Jean Tinguely, le sport automobile ou la passion de l’absurde» est diffusé en permanence. L’artiste fribourgeois y parle de Niki Lauda en de termes élogieux et tous les passionnés de sport automobile le visionneront assurément avec beaucoup d’intérêt. Quant à la boutique du Musée Tinguely, elle propose un très large choix de cartes postales, de posters et de livres. Plusieurs d’entre eux évoquent la F1, à commencer par la bande dessinée que les auteurs français Michel Janvier et Olivier Marin ont consacrée à Jo Siffert.

Les Bâlois aiment à rappeler que Jean Tinguely, à peine quelques semaines après sa naissance à Fribourg, avait rejoint, avec sa mère, née Jeanne-Louis Ruffieux, son père Charles Tinguely qui avait trouvé du travail à Bâle. C’est dans la ville rhénane que Jean Tinguely effectue sa scolarité obligatoire avant de commencer un apprentissage de décorateur de vitrines auprès du grand magasin Globus, puis de suivre les cours de l’Ecole des arts appliqués.

Sa volonté de percer au niveau international en tant qu’artiste le pousse à émigrer à Paris en 1952. Une fois établi dans la capitale française, il en profite pour aller assister aux 24 Heures du Mans de 1955, l’édition marquée par la collision entre la Mercedes 300 SLR de Pierre Levegh et l’Austin Healey de Lance Macklin qui provoqua la mort de 82 personnes, dont le pilote français Pierre Levegh, de son vrai nom Pierre Eugène Alfred Bouillin. Une mort qui frappera par la suite plusieurs pilotes dont Jean Tinguely, grand passionné de sport automobile, était devenu l’ami. On pense en particulier à Jo Siffert. C’est entre autres pour se rapprocher du pilote fribourgeois que Jean Tinguely s’établit dans le village de Neyruz, non loin de Fribourg, à la fin de l’année 1968.

La mort de Jo Siffert lui donne l’occasion de lui rendre hommage en lui dédiant une fontaine, aux Grands Places, non loin de l’Esplanade Jo-Siffert et de la Place Jean-Tinguely. La Fontaine Jo-Siffert fait partie des passages obligés des visites guidées organisées par l’Office du tourisme de Fribourg sur le thème de Jean Tinguely. Celles-ci se terminent à l’Espace Jean Tinguely-Niki de Saint-Phalle où un espace est réservé aux sports motorisés. On y découvre notamment le side-car de René Progin, décoré par Jean Tinguely, ainsi que plusieurs photos de Jean Tinguely, au volant notamment de sa Ferrari 250 Lusso, de Jo Siffert et, bien entendu, de René Progin. Ce dernier, vice-champion d’Europe de side-car, est même devenu, à la fin des années 1980, un des assistants de Jean Tinguely.

Enfin, pour conclure, une visite de Fribourg sur les traces de Jean Tinguely, ne saurait se terminer sans une halte au Café du Gothard. Celui-ci, situé non loin de l’Espace Jean Tinguely-Niki de Saint Phalle et du kiosque tenu autrefois par Marguerite Ragonesi, une des trois sœurs de Jo Siffert, comporte plusieurs œuvres d’art de Jean Tinguely, notamment des affiches et des collages. Le Café du Gothard, tout comme le restaurant Chez Jeannot à Bâle, au sous-sol du Musée Tinguely, permettent de découvrir d’excellentes spécialités régionales tout en contemplant des œuvres de Jean Tinguely, dont, Chez Jeannot, l’affiche du Mémorial Jo-Siffert organisé en 1981 dans le cadre de la course de Saint-Ursanne – Les Rangiers. Les liens ci-dessous vous permettront d’en savoir davantage sur les différentes manifestations organisées à Bâle et Fribourg, tout au long de cette année, à l’occasion des 100 ans de Jean Tinguely.

Musée Tinguely de Bâle: www.tinguely.ch
Ville de Fribourg: www.ville-fribourg.ch/tinguely100
www.tinguely100.com

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