BENTLEY
MULSANNE EWB

L’essai Sport-Auto.ch du 25 septembre 2017

Rédaction : Laurent Missbauer
Photographies : Bob de Graffenried, Laurent Missbauer

Vainqueur à cinq reprises des 24 Heures du Mans, Bentley met judicieusement en avant son patrimoine sportif pour se démarquer de Rolls-Royce dans le segment du grand luxe. Bien que la Bentley Mulsanne EWB ne soit pas la plus sportive de la marque, je l’ai confiée au pilote genevois Harold Primat. Huitième des 24 Heures du Nürburgring de 2015 au volant d’une Continental GT3, il a fait ressortir quelques-uns des liens qui unissent la Mulsanne à sa Bentley de course.

Bentley Arnage, Bentley Hunaudières, Bentley Mulsanne, ce sont tout autant de modèles qui rendent hommage à quelques-uns des tronçons les plus emblématiques du circuit des 24 Heures du Mans que la marque anglaise a remportées à quatre reprises consécutives, de 1927 à 1930, puis une cinquième fois en 2003. Le sport automobile fait ainsi partie intégrante de l’ADN de la marque et la Bentley Continental GT3, présentée en 2013, a participé à plus de 500 courses depuis.

«Cet engagement en compétition n’a pas seulement démontré notre compétitivité, il a également permis de dépoussiérer l’image de Bentley.» Ces propos de Wolfgang Dürheimer, le président de Bentley qui avait dirigé de 2001 à 2011 le département recherche et développement de Porsche, rappellent, si besoin est, les avantages qu’un constructeur peut retirer du sport automobile. Sans ce dernier, Bentley ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui et il en va de même pour Audi dont certains des moteurs les plus puissants se retrouvent sous les capots de Bentley, ces deux marques faisant partie toutes les deux du groupe Volkswagen.

0-100km/h (s) : 5.5

Vmax (km/h) : 296

rapp. poids/puiss. (kg/ch) : 5.3

propulsion
8 cyl. 6.75L bi-turbo
512 ch / 1’020 Nm
2’730 kg

Si la Bentley Continental GT V8 S Convertible que j’avais essayée au mois de juillet était propulsée par un 4.0 L V8 biturbo qui équipe également les Audi RS6, RS7 et autres S8, le 6.75L V8 biturbo de la Mulsanne EWB est réservé aux produits de la marque au «B» ailé. Il s’agit là d’une exclusivité qui sied bien à cette voiture hors du commun, de loin la plus luxueuse et la plus longue testée jusqu’ici par Sport-Auto.ch.

Avec ses 5.83 m de long, elle dépasse en effet de 80 cm la Porsche Panamera Turbo essayée l’an passé. Etant donné qu’il s’agit du modèle EWB – Extended Wheelbase, à savoir empattement allongé en français – «notre» Mulsanne mesure 25 cm de plus que le modèle de base. Le rallongement de l’empattement profite entièrement aux passagers des places arrière qui bénéficient d’un confort digne des premières classes des meilleures compagnies aériennes.

C’est cependant derrière le volant que j’ai tout d’abord pris place. La présence de deux caméras, l’une à l’arrière et l’autre à l’avant, ont beau faciliter les manœuvres, les dimensions de la «bête» demeurent impressionnantes. Il en va de même pour la qualité du cuir, du bois précieux et des épaisses moquettes ainsi que du silence à bord. Sauf lorsqu’on écrase la pédale d’accélérateur. Dans ce cas, le V8 biturbo de 512 ch sonne la charge et déplace les 2.8 tonnes de l’ensemble à une vitesse insoupçonnée compte-tenu du gabarit du véhicule. Bentley annonce ainsi un chrono de seulement 5.5 secondes pour l’accélération de 0 à 100 km/h ; un exercice néanmoins vulgaire pour une voiture d’une telle classe. D’ailleurs, comme les plus attentifs le remarqueront sur nos photos, la zone rouge débute à 4’500 trs/min déjà, régime auquel la boîte passe automatiquement le rapport supérieur quand on utilise les palettes au volant. Pourtant, il s’agit bien d’un moteur à essence ! Mais avec son couple «camionesque» de 1’020 Nm disponible dès 1’750 trs/min, inutile d’incommoder les passagers arrière avec du bruit et des à-coups qu’occasionneraient des accélérations à des régimes supérieurs.

Après être entré sur l’autoroute à la vitesse de l’éclair à Bulle, j’opte plutôt pour une conduite «chauffeur de maître». Le régulateur de vitesse bien calé à 120 km/h, le silence est proche de l’absolu. La boîte automatique ZF a sélectionné le 8ème rapport et le moteur tourne à peine plus de 1’000 trs/min. Je n’entends que le système de ventilation des sièges réfrigérés. Deux boutons ad hoc permettent de choisir trois niveaux de réfrigération ou de chauffage de chacun des quatre sièges. Je choisis finalement la position 0 et le silence est alors véritablement absolu.

A la faveur de la descente de Châtel-St-Denis à Vevey et, par la suite, d’une densité de circulation me faisant davantage rouler à 100 km/h qu’à 120 km/h, j’arrive à l’aéroport de Genève en n’ayant consommé que 9.6 l/100km pour une moyenne de 104 km/h. C’est encore moins que les 10.1 l/100km revendiqués par Bentley en conduite extra-urbaine. Cela est remarquable pour une voiture d’un tel poids et d’une telle puissance. De telles valeurs s’expliquent par le système COD (cylinder on demand). Lorsque l’exploitation de la puissance est modérée (par exemple à vitesse constante sur autoroute), la commande du moteur désactive en toute discrétion quatre des huit cylindres et contribue ainsi à réduire la consommation.

Mais assez parlé de technique, je me glisse à la place arrière-droite en laissant le volant à mon chauffeur qui vient de rapporter une Mercedes AMG d’essai au concessionnaire de Genève. De là, il me conduira dans la campagne genevoise où nous avons rendez-vous avec Harold Primat qui a participé à sept reprises aux 24 Heures du Mans (6ème au classement général en 2010) et qui est l’heureux propriétaire d’une des Bentley Continental GT3 avec lesquelles il a couru en 2015.

Le confort est royal et je ne me lasse pas d’essayer les différents réglages du siège. Tout comme les deux sièges avant, les deux sièges arrière possèdent également la fonction massage. Je peux également actionner électriquement les rideaux et sortir le pupitre en bois, de même que la télévision, judicieusement escamotée dans le siège avant. Mais le summum est constitué par le compartiment à cocktail illuminé, encastré entre les deux sièges. Cette option, facturée 8’225 euros, comprend deux carafes en cristal, deux verres taillés à la main, eux aussi en cristal, et une flasque en acier inoxydable.

Arrivés chez Harold Primat, celui-ci nous reçoit avec une caisse à savon qui reprend les codes stylistiques de la Bentley Continental GT3 avec laquelle il avait disputé les 24 Heures de Spa : «Ce sont mes mécaniciens qui me l’ont offerte à la fin de la saison», nous explique-t-il. «Ma Bentley de compétition se trouve à Crans-Montana.» Elle y est en bonne compagnie avec sept autres bolides dont l’Aston Martin LMP1 du Mans, une Mercedes SLS GT3 et le proto Swiss Spirit avec lequel son coéquipier Marcel Fässler avait signé la pole-position aux 1’000 km de Spa en 2005.

Confortablement installé au volant de la Bentley Mulsanne EWB, Harold Primat se retrouve dans un environnement familier : «Je ressens cette même sensation d’espace qui m’avait impressionné dans la Continental GT3. Je sortais alors de deux saisons disputées au volant d’une Audi R8 et d’une Mercedes SLS et leur habitacle était nettement moins large», précise-t-il. «On se sent immédiatement à l’aise. La largeur du véhicule peut certes être pénalisante dans les chicanes, elle contribue néanmoins à une stabilité parfaite dans les courbes négociées à grande vitesse.»

Pendant son essai sur des routes de campagne, il n’est toutefois guère question de rouler à grande vitesse mais plutôt d’analyser la qualité du travail des ingénieurs de Bentley qui ont réussi à allier le côté statutaire et luxueux d’un paquebot de près de 3 tonnes et six mètres de long avec un comportement dynamique et des accélérations susceptibles de rivaliser avec bon nombre de GTI.

«Je me souviens très bien des propos que m’avaient tenus en 2015 les responsables de Bentley. Ils m’avaient en effet expliqué que leur engagement en compétition avait pour but de rajeunir la clientèle de la marque en lui proposant des voitures qui soient aussi luxueuses que dynamiques. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils y sont parfaitement parvenus», relève Harold Primat qui s’installe maintenant à l’arrière de la Mulsanne afin de goûter pleinement à tout son raffinement et à l’espace hors du commun procuré par les 25 cm supplémentaires de cette version EWB à empattement long.

«Là, j’ai vraiment l’impression d’être un pacha et, avec le programme de massage, c’est exactement la voiture qu’il m’aurait fallu pour le retour des 24 Heures du Mans», conclut-il. Et cette Mulsanne est d’autant plus indiquée à transporter un pilote après une course qu’elle dispose, comme nous l’avons relevé plus haut, d’un compartiment à boissons avec tout ce qu’il faut afin de fêter une victoire ou d’oublier une défaite pour paraphraser une des célèbres citations de Winston Churchill…

Un dernier clin d’œil au sport automobile se retrouve sur les deux pédales. Elles semblent ajourées comme celles d’une voiture de course. Mais à y regarder de plus près, les points noirs qui les distinguent sont des éléments de caoutchouc ! Le mode de conduite sport, un des quatre disponibles avec les modes Confort, Bentley et Individual, n’est lui aussi pas véritablement sportif. Il nous a cependant permis d’avaler à très vive allure et sans trop de roulis les courbes de la montée de l’autoroute qui relie Vevey à Châtel-St-Denis. Impressionnant !

L’indicateur de consommation indiquait alors une valeur de 40 l/100km, elle aussi impressionnante ! Mais quand on aime, on ne compte pas. Cela vaut également pour le prix de notre Mulsanne EWB d’essai. Son tarif de base de 295’400 euros est lesté de 70’595 euros d’options (détaillées dans la fiche technique ci-après) pour une facture totale de 365’995 euros, soit CHF 423’822 au cours du jour.

L’avis de Sport-Auto.ch

La Bentley Mulsanne EWB est un très luxueux paquebot. Son moteur de 512 ch lui permet certes d’effectuer des accélérations vigoureuses, mais c’est en mode «chauffeur de maître» qu’elle s’apprécie le plus. Bien servie par un couple maxi gargantuesque de 1’020 Nm à seulement 1’750 trs/min, elle glisse dans un silence absolu tel un tapis volant. Et il n’est nul besoin d’approcher la zone rouge du compte-tours qui débute à 4’500 trs/min pour en tirer toute sa quintessence. La consommation moyenne de 14,7 l/100km que nous avons enregistrée durant notre essai, s’avère quant à elle remarquable compte-tenu du poids et de la puissance de la «bête».

laurent[@]sport-auto.ch

Pour...
  • Luxe typiquement britannique
  • Personnalisation infinie
  • Performances
  • Rapport poids/consommation
Contre...
  • Prix
  • Encombrement
  • Absence de stop-and-start

Merci à Bentley Motors Ltd à Crewe (GB) pour le prêt de cette Bentley Mulsanne EWB Rubino Red.

Tous nos essais de A à Z :

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