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Entretien avec Gaëtan Lathion – "Les copilotes sont les maîtres du temps"

Gaëtan Lathion fait partie des animateurs du championnat suisse des rallyes. Le Valaisan a débuté derrière le volant pour finalement rebondir dans le baquet de droite. Ce changement lui permet d’avoir davantage de plaisir lors des courses. En 2017, il est devenu champion suisse des rallyes Junior en compagnie de Nicolas Lathion. L’équipage s’est par la suite séparé mais Gaëtan a très rapidement retrouvé une place avec Joël Rappaz. Sport-Auto.ch a pu s’entretenir avec Gaëtan Lathion Sport-Auto.ch : Comment es-tu arrivé dans le monde du sport automobile ?

Gaëtan Lathion : « J’ai débuté dans ce sport à l’occasion du Rallye International du Valais 2007. Il faut dire que mon papa faisait du rallye avant même ma naissance, on dira qu’il m’a baigné dedans depuis que je suis petit. Je me suis toujours senti comme un privilégié de pouvoir pratiquer ce sport. »
Peux-tu nous expliquer pourquoi tu t’es dirigé vers le copilotage plutôt que le pilotage ?
« Pour être honnête, j’ai commencé le rallye par le pilotage. J’étais tellement mauvais que j’ai décidé de me consacrer pleinement au travail du copilote. J’y trouve un plus grand plaisir que derrière le volant. Le rallye est un sport d’équipe, on a peut-être tendance à trop souvent l’oublier… J’ai eu la chance de faire équipe avec de bons pilotes. J’ai appris de chacun d’entre eux et je reste convaincu qu’ils ont tous appris un peu de moi aussi. »
Pour toi, quelles sont les choses les plus importantes pour être un bon copilote ?
« Il est important à mes yeux de ne pas vouloir brûler les étapes. Comme un pilote, un copilote doit partir au bas de l’échelle. Très souvent, j’entends des navigateurs en herbe, à la recherche de pilote qui pose la question : « C’est dans quelle voiture ? ». J’aimerais dire à ces gens que les plus grands champions de notre pays ont commencé pas à pas. A partir du moment où vous prenez du plaisir dans ce que vous faites, c’est l’essentiel. Beaucoup de personnes souhaiteraient être à notre place. Pour répondre concrètement à la question, un bon copilote doit savoir rester humble, appliqué et méthodique. »
Quel travail réalises-tu avant la course ?
« Un copilote est le travailleur de l’ombre dans un équipage de rallye. Il y a tellement de choses à préparer. Cela va du remplissage de l’inscription, de la prise de connaissance des différents règlements, qu’ils soient particuliers ou guide du rallye. L’organisation des reconnaissances incombe également au navigateur. Quelles épreuves spéciales reconnaître, dans quel ordre, etc…   Ensuite, suivant où se déroule la compétition, il faut s’organiser pour réserver le logement. Il faut également prévoir une feuille de route, c’est-à-dire toutes les informations nécessaires pour gagner du temps pendant la course et qui est nécessaire pour l’équipage et l’assistance. En ce qui me concerne, je recopie systématiquement toutes les notes prises lors des reconnaissances. J’aime que mon cahier de notes soit propre et lisible. Il y a deux raisons à cela : la première, j’arrive plus facilement à me relire et j’ai confiance en ce que je dis et la seconde, je pars du principe que si mes notes sont propres et claires, mon pilote ira plus vite. »
Quel travail fais-tu pendant la course ?
« Pendant la course, je suis le maître du temps. Pour qu’une course soit réussie, je ne m’autorise aucune pénalité liée à une erreur de timbrage. Je suis ensuite le responsable de dicter le RoadBook correctement à mon pilote pour qu’il suive scrupuleusement l’itinéraire décidé par l’organisateur. Je dois m’assurer qu’au départ de la spéciale, la pression des pneumatiques corresponde aux demandes du pilote. Une fois la spéciale commencée, il faut débiter les notes sur un bon rythme, en essayant d’imposer une cadence au pilote. A côté de cela, il faut prévoir suffisamment de boissons et de vivre entre les différents secteurs ou retour à l’assistance. »
Est-ce qu’il y a un travail après la course ?
« Après la course, l’heure est en général à la fête, si tout s’est bien passé (rires). Il faut ensuite bien évidemment ranger et trier toutes nos affaires, laver nos effets personnels et la voiture ainsi que vérifier la mécanique, afin que tout soit opérationnel pour la prochaine course. »
Quelle est ta course favorite ?
« Le Championnat Suisse est généreux par ses manches proposées, il y en a pour tous les goûts. Toutefois, si je devais en choisir une, cela serait sans détour, le Rallye du Chablais. Pourquoi celui-là..? Parce que mes meilleurs souvenirs en compétitions se sont déroulés à l’occasion de cette manche. En 2017, j’avais intégré les rangs de l’écurie de Sébastien Loeb Racing Team, avec mon pilote de l’époque Nicolas Lathion. Nous avions gagné la manche du Championnat Suisse Juniors sous les yeux du « patron » en personne, avant de remporter le titre national, la même année. En 2018, c’était mon premier rallye dans la catégorie R5, aux côtés de Joël Rappaz. Ce fut le meilleur résultat de notre carrière à tous les deux, puisque la Ford Fiesta nous avait conduit sur la 2e marche du podium scratch. Cette édition 2018 restera gravée dans ma mémoire, puisque ce podium s’est déroulé sous les yeux ébaillis de ma fille. Pour conclure, le comité d’organisation est à l’image de son Président Eric Jordan ! A l’écoute des besoins et exigences des équipages, on sent clairement que c’est un homme issu du milieu. »
Est-ce qu’il y a parfois un facteur « peur » qui apparait en spéciale ?
« Même si un facteur peur devait subvenir dans une épreuve spéciale, en qualité de copilote tu ne peux rien faire (rires), ce n’est pas toi qui as les mains sur le volant et le pied sur le frein. Bien sûr qu’il m’arrive parfois de serrer les fesses un peu plus fort que d’habitude, mais j’ai toujours eu confiance en tous mes pilotes. Je dirai que « la peur » apparaît plutôt lors d’une course qui suit une grosse sortie de route. »
Désormais tu fais équipe avec Joël Rappaz, que penses-tu de sa voiture ?
« Joël est quelqu’un qui a toujours eu de très bonnes voitures compétitives. On se souvient de sa fameuse BMW M3 orange avec laquelle il a fait des merveilles ou encore la Peugeot 207 S2000 aux couleurs de Yokohama qui a vu débuter ma collaboration avec lui. Aujourd’hui, Joël s’est donné les moyens d’acquérir une Ford Fiesta R5, ex-Balbosca. C’est précisément cette monture qui avait mené Sébastien Carron au titre de Champion Suisse en 2017. C’est une voiture qui a énormément de potentiel. Toutefois, pour exploiter au maximum celui-ci, cela passe par des kilomètres et des kilomètres d’essais. Nous poursuivons l’apprentissage de la Ford avec beaucoup de plaisirs et de passion. »
Est-ce que tu comprends que les médias, les organisations, accordent plus d’importance aux pilotes, avec notamment les coupes, les interviews ?
« Les médias ont parfois de la peine à comprendre que le rallye est un sport d’équipe, c’est vrai. Même si ce cliché à tendance à disparaître quelque peu aujourd’hui, les copilotes sont très souvent oubliés. Il faut savoir l’accepter et ne pas être frustré. Si la presse parle élogieusement d’un pilote, c’est que son navigateur a été à la hauteur du rendez-vous. Il me plaît souvent d’utiliser une phrase de Daniel Elena qui déclarait : « Si j’avais voulu être célèbre, j’aurais fait la Star’Ac ! » »
Tu as récemment fondé, en compagnie d’autres copilotes réputés du Championnat Suisse des Rallyes, l’Association Swiss Rally Codrivers. Quel est son but ?
« J’avais repris la direction du cours annuel destiné à la formation des copilotes en 2016. Celui-ci était mis en place par l’ASN (Association Suisse des Navigateurs). Très vite, nous nous sommes aperçus qu’il manquait une structure pour revaloriser encore plus le travail du copilote. Nous avons donc proposé, avec l’accord de la Présidente de l’ASN, Christiane Bonny, de créer une nouvelle association, plus jeune et plus dynamique. C’est comme ça qu’est né Swiss Rally Codrivers, en septembre 2019. Les buts étant de poursuivre la mise sur pied d’une formation annuelle pour les copilotes mais également de pouvoir proposer à tous les pilotes, en recherche de partenaire, une base de données de copilote disponible. A ce sujet, nous réservons tout prochainement une surprise aux différents acteurs rallystiques de notre pays et de la France voisine. Nous proposons également un trophée interne, afin de mettre encore un peu plus à l’honneur le travail des copilotes. »
Quand est-ce que tu penses que le championnat suisse reprendra ses droits ?
« L’attente est longue pour tous les passionnés de notre sport. Cela va des organisateurs, commissaires, équipages en passant par les spectateurs et autres photographes… Nous n’avons d’autre choix que de patienter, c’est la même chose pour tout le monde. Il a quelques semaines je vous aurais répondu que le Championnat Suisse aurait repris à l’occasion du Rally del Ticino qui a été déplacé de la fin du mois de juin au début du mois de septembre 2020. Aujourd’hui avec la décision du Conseil Fédéral d’interdire toute manifestation de plus de 1000 personnes jusqu’au 31 août, je crains que le Tessin doive également renoncer à l’organisation de son rallye. Je vous dirai que si une manche doit se dérouler cette année, c’est peut-être le Rallye International du Valais, mais sans aucune certitude. Il faudra être patient, et quoi qu’il arrive, tout le monde prendra du plaisir en 2021 ! »
Crédit photo : Trusk Images – Sport-Auto.ch]]>

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