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Entretien avec Daniel Elena – "Nous n'avons pas dit notre dernier mot"

Sport-Auto.ch a pu s’entretenir avec le copilote le plus titré de l’histoire du WRC, Daniel Elena. Le Monégasque a remporté à neuf reprises le titre de champion du monde au côté de son compère, Sébastien Loeb. Daniel Elena conserve quelques beaux projets en tête et ne compte pas rester sur une deuxième place au Dakar. Comment se passe ce confinement ?

« Il se passe bien. J’ai la chance d’avoir un jardin ce qui me permet de ne pas forcément rester dans une maison. En fait, cette période me donne l’occasion de faire tout ce que je ne peux pas faire habituellement, c’est-à-dire du jardinage, bricolage etc… »
Comment êtes-vous arrivé dans le monde du sport automobile ?
« J’ai grandi à Monaco. Cette ville est la capitale mondiale du sport automobile entre le grand-prix de Formule 1 et le rallye. Quand j’étais petit, je m’asseyais sur des bancs et je regardais passer les voitures. Je rêvais de faire carrière dans ce milieu. »
Comment est-ce que le duo Loeb-Elena s’est il formé ?
« Nous étions adversaire en 1997. Nous nous battions dans une petite formule de promotion, c’était le volant Peugeot avec des petites 106. Le pilote avec lequel j’avais fait la saison a décidé d’arrêter et Sébastien se séparait de son copilote. Nous nous entendions déjà bien durant la saison alors nous avons essayé et nous ne nous sommes plus jamais quittés. »
Est-ce qu’il y a un facteur peur ?
« Pour moi, il n’y a jamais de peur dans la voiture. J’ai une confiance totale en mon pilote. Je pense que le jour ou je ressentirais de la peur, j’arrêterai définitivement. Qui dit peur, dit hésitation, qui dit hésitation, dit erreur. On le sait, dans notre discipline, une petite erreur peut se coûter très chère. »
Pourquoi avez-vous fait le choix de vous diriger vers le copilotage ?
« C’était tout simplement le meilleur moyen pour débuter une carrière. Tu peux prendre place à droite et tu engranges de l’expérience. J’ai grandi dans une famille modeste. Je n’ai donc jamais reçu une voiture de la part de quelqu’un de ma famille. Je me levais tous les jours comme tout le monde pour travailler avec l’espoir de pouvoir un jour vivre de ma passion. Mon travail me permettait de participer aux frais des inscriptions etc… Quand la passion est là, on prend du plaisir à droite et à gauche. »
Quelles sont les tâches qu’un copilote professionnel pratique pendant le rallye ?
« Secrétaire, maître du temps, psychologue et serveur (rire). On fait véritablement tout ce qui est de notre possible pour mettre notre pilote dans les meilleures conditions possibles. On travaille à l’ancienne avec Seb. Il me fait confiance et nous n’avons pas encore la volonté de travailler avec toutes ces caméras. Nous ne voulons pas faire comme tout le monde et apprendre les spéciales par cœur. On en discute entre nous. »
Est-ce que le fait de ne plus avoir fait de rallyes en WRC vous a fait perdre le rythme ?
« Absolument pas, c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. Il ne faut pas oublier que cela fait 23 années que je roule avec Sébastien et nous avons énormément d’automatisme. Nous nous connaissons par cœur. Il suffit d’un regard pour savoir ce que veut ou pense l’autre. »
Est-ce qu’il y a des similitudes pour un copilote de rallye à un copilote du Dakar ?
« Il n’y a aucune similitude. L’an prochain, le Dakar va se moderniser puisque nous aurons des roads books électroniques sur IPad. Le Dakar, c’est 100% de l’improvisation, il faut faire marcher le cerveau et savoir interpréter la situation de la meilleure manière. En WRC, on connait presque par cœur. Ça parait étonnant mais une spéciale de 30 kilomètres en WRC est plus éprouvante qu’une spéciale de 400 kilomètres au Dakar. »
Quel regard portez-vous sur le WRC d’aujourd’hui ? Est-ce que c’était mieux il y a dix ans ?
« C’était relativement identique pour les reconnaissances. Désormais, la chose qui a changé, c’est la façon d’aborder les rallyes. Tout le monde arriver surentrainer. Le site WRC n’existait pas encore. A ce jour, il faut savoir que chaque pilote va regarder les caméras embarquées des équipages les plus rapides. Ils analysent chaque détail. Les pilotes de rallye se rapprochent des pistards. Il n’y a plus rien qui est caché, c’est de l’espionnage. Ils vont tout regarder pour gratter le dixième de seconde. Avant les Powerstages, généralement tous les équipages regardent leur premier passage dans la spéciale du matin-même. Nous faisons à l’ancienne nous, nous discutons entre-nous ou avec d’autres équipages. J’ai un très bon exemple en tête, par exemple le Rallye du Chili de l’an dernier. C’était la première édition et personne ne savait ou on mettait les pieds. C’était un nouveau rallye et malgré le manque de roulage, nous avons terminé à troisième place. »
Quels sont les conseils que vous donnez lorsque vous êtes en contact avec des jeunes ?
« Il faut tout simplement être passionné et toujours y croire. Il faut avoir de la rigueur et du sérieux. Le travail de copilote ne s’improvise pas. Cela s’apprend sur le tard en enchainant les kilomètres. Si tu veux devenir copilote et que tu t’attends à avoir des bonnes nuits de sommeil, ce n’est pas la peine. Le copilote, c’est le premier debout et le dernier couché. »
Quel est votre rallye favori ? et celui que vous n’aimez le moins ?
« Le premier qui me vient est naturellement le Monte-Carlo car c’est à domicile. Ensuite, la Suède est fantastique car ce rallye nous donne des sensations folles. Imaginer le fait d’être à 200 km/h sur de la glace. Ensuite, la Finlande est superbe aussi avec ses jumps mythiques. L’Argentine est un rallye magique niveau ambiance. Ensuite, si je devais donner un rallye que je n’aime pas, ça serait le Rallye de Chypre qu’on faisait par le passé. Nous avions une moyenne de 55 km/h donc imaginer.  Je n’accroche pas avec le Rallye de Sardaigne. Le Rallye d’Allemagne est un rallye fabuleux mais la spéciale dans le camp militaire est un pur cauchemar pour les copilotes. »
Dans quelle voiture as-tu eu le plus de plaisir et pourquoi ?
« Dans toutes, mais les dernières WRC sont magiques. Les sensations que nous avons maintenant, c’est vraiment incroyable. Je pense que c’est la meilleure voiture de rallye depuis ces trente dernières années. » 
Quel sentiment ressens-tu lorsque tu prends toi le volant que tu ne peux pas ressentir aux notes ?
« C’est le fait de rouler qui est vraiment bon. Je suis meilleur que Sébastien mais il ne me croit pas. Il n’a jamais voulu monter à côté de moi pour voir. Je peux aller plus vite, jusqu’au premier virage du moins. Je freinerai plus tard et après, on improvisera. Ce que j’adore lorsque je roule, c’est d’aller faire des petits rallyes régionaux avec des amis d’enfance. »
Quel est votre plus beau souvenir ?
« Il y en a tellement. Je pense qu’étonnamment c’est notre deuxième place en Nouvelle-Zélande. On avait bataillé durant 350 kilomètres face à Markus. Le plus grand écart qu’il y avait eu entre nous était de huit secondes. On avait perdu le rallye pour neuf dixièmes. »
Quel est votre plus beau sacre ?
« Le premier. On était dans la dernière spéciale avec Sébastien, on faisait les derniers kilomètres et on pleurait déjà. Le challenge lorsqu’on est champion, c’est de le conserver. »
Comment ressentez-vous le fait que le pilote soit bien plus mis en avant que le copilote ?
« Je m’en fiche un peu personnellement., je fais ça par passion. Je ne fais pas de rallye pour être une star. Je peux encore aller faire mes courses au supermarché. »
En 2012, tu es venu au Rallye du Chablais, que gardez-vous de ce rallye ?
« C’était sympa de faire un rallye tranquille. L’ambiance était top. De plus, on connait bien Eric et c’est toujours un plaisir de se rendre sur ces belles spéciales. »
Est-ce que la motivation est toujours la même qu’au début ?
« Bien sûr, on prend part toujours au maximum, on se donne toujours à fond, si on peut bien faire on fait, on a été formé à tout donner. Malgré le fait qu’on ne soit pas en lutte pour le titre, on a un rôle à jouer, c’est de ramener des points pour le classement constructeur. »
Que gardes-tu du Rallye du Monte-Carlo ?
« C’était le pire rallye. Le vendredi matin, nous étions dans le rythme, nous avons signé des chronos dans le TOP 3. On a reçu un SMS du boss qu’il fallait calmer et ramener la voiture intacte à Monaco suite à la sortie de Tanak. On a fini le rallye sur un choix de pneu catastrophique. »
Avez-vous des projets pour le futur ?
« Le Dakar fait partie de mes priorités, on va voir ce qu’on va faire sur le reste de la saison. On ne peut pas dire ou est-ce qu’on va aller. On va arriver motiver sur la prochaine épreuve et Sébastien se réjouit vraiment de rerouler sur la terre tout autant que moi. On est prêt et toujours aussi déterminé. »
Crédit photo : At World – Bastien Roux ]]>

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