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Rencontre avec Peter Sauber à l’expo des 24 Heures du Mans du Salon de Genève

Peter Sauber Salon de Genève 2014L’inauguration de l’exposition de bolides des 24 Heures du Mans avait attiré mardi soir un grand nombre de célébrités au Salon de Genève. Parmi elles, on relevait notamment Peter Sauber, tout heureux de poser à côté de la Sauber-Mercedes qui s’était imposée aux 24 Heures du Mans de 1989 et qui est l’une des principales attractions de cette exposition exceptionnelle à voir jusqu’au 16 mars, dernier jour d’ouverture du salon. Nous avons profité de la présence du constructeur zurichois pour évoquer quelques souvenirs avec lui.

Peter Sauber, que ressentez-vous en revoyant la Sauber avec laquelle votre écurie avait remporté les 24 Heures du Mans il y a bientôt vingt-cinq ans?

Beaucoup de plaisir! C’est finalement avec ces Sauber-Mercedes que j’ai connu mes plus grands succès, notamment la victoire aux 24 Heures du Mans en 1989 et deux titres de champion du monde en sport-prototypes en 1989 et 1990.

Si on jette un grand coup d’œil en arrière, ces succès étaient complètement inespérés par rapport à vos très modestes débuts dans le monde du sport automobile, non?

Peter Sauber et sa première VW Coccinelle à la course de côte de Sternenberg en 1967C’est vrai. Je n’avais commencé à courir que par hasard, en 1967, à l’âge de 23 ans. A l’époque, je n’étais pas un mordu de sport automobile et, curieusement, je ne le suis toujours pas aujourd’hui! Ma première voiture était d’ailleurs une Citroën 2CV, c’est vous dire! Pour en revenir à mes débuts en compétition, c’était un ami, Arthur Blank, qui m’avait poussé et, après avoir débuté avec une Coccinelle de série, je suis passé en 1968 à une Coccinelle passablement modifiée. Je me souviens que, lors des premiers essais, j’étais assis tellement bas que je ne voyais pas grand-chose devant la voiture. Arthur Blank, sur le Peter Sauber au volant d'une Coccinelle préparée par Arthur Blank en 1968ton de la plaisanterie, m’avait alors lancé: «Tu n’as pas besoin de voir, contente-toi d’accélérer…» Avec ses vitres et son capot en plastique, cette Coccinelle ne pouvait pas être immatriculée et c’est ainsi au sein de la catégorie des voitures de sport que j’ai participé à différentes courses du championnat de Suisse. A Hockenheim, j’ai même couru dans la même série que Jo Siffert et à chaque fois qu’il me prenait un tour avec sa Porsche, je ressentais un grand déplacement d’air qui renforçait encore plus mon impression d’être arrêté! Je me suis par ailleurs aperçu très rapidement que j’avais davantage de plaisir à modifier mes voitures qu’à les conduire.

Quelle était votre formation, étiez-vous ingénieur?

Pas du tout. J’ai effectué un apprentissage de monteur électricien et, au début, je ne comprenais rien aux voitures de course, strictement rien. J’avais cependant un certain esprit pratique et j’ai appris sur le tas. La première voiture qui a porté mon nom, la Sauber C1, a ainsi été construite à partir d’une ancienne monoplace Brabham de formule 3 (Ndlr.: il s’agissait de la Brabham F3 du Sierrois Paul Fellay). J’ai gardé le moteur et les suspensions et j’y ai ajouté une carrosserie biplace de ma conception.

C’est bien au volant de cette voiture que vous avez été sacré champion de Suisse en 1970?

Exactement! Avec la C1, qui était propulsée par un moteur Cosworth de 1000 cm3, j’ai remporté le titre national dans la catégorie des voitures de sport devant la Lola de Karl Foitek. Le barème d’attribution des points était cependant très démocratique à l’époque et les petites cylindrées ne partaient pas battues d’avance. Ce barème était tellement compliqué que personne n’y a jamais rien compris grand chose! Avec ce titre national, je me suis dit que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de me retirer sur une victoire et, après mûre réflexion, j’ai décidé de ne plus jamais recourir.

Le pilotage ne vous procurait-il pas plus de satisfaction?

Non, je pilotais encore volontiers. Mais, comme je l’ai déjà dit, je n’étais pas un mordu de sport automobile. Pour moi, la conduite n’était pas un besoin vital ou une maladie du même genre que celle qui affecte certaines personnes qui vont continuellement jouer leur fortune au Casino de Constance…

Votre décision d’arrêter de piloter était donc irrévocable?

Absolument, mais je me suis quand même accordé une dernière sortie. C’était en 1973, à Hemberg, avec la Sauber C3 d’un de mes clients qui n’avait pas pu se libérer de ses obligations militaires. Je n’avais décidé de courir que dans le but de pouvoir garder ma licence, au cas où l’envie de piloter m’aurait repris, mais cela a vraiment été ma dernière course. Je relèverai, par ailleurs, que cette dernière s’était elle aussi très bien déroulée puisque je m’y étais imposé dans ma catégorie. Ce succès était cependant davantage imputable aux mauvaises performances de mes concurrents qu’à mes propres mérites.

Qu’est-ce qui, finalement, vous a poussé à délaisser le pilotage au profit de la construction?

Je ne courais que dans le but de construire et bien davantage que le pilotage, c’était la technique qui m’intéressait. Comme la mécanique devenait de plus en plus sophistiquée, j’ai dû toutefois m’entourer au fil des ans de personnes compétentes. C’était tout d’abord un mécanicien auto, lorsque j’ai décidé de faire de la construction automobile mon métier, au début des années septante. Mais comme il n’était pas possible d’en vivre, j’ai aussi ouvert un garage et mon mécanicien ne m’aidait pas seulement à construire mes prototypes, mais réparait aussi les voitures du garage. Ensuite, ce sont des ingénieurs qui sont venus me prêter main forte.

Jusqu’à l’arrivée de Mercedes qui vous a permis de remporter en 1989 le championnat du monde des sport-prototypes, et qui, d’une façon indirecte, vous a permis de débuter en F1 en 1993, le succès n’avait pas toujours été au rendez-vous?

C’est vrai, les pertes dépassaient bien souvent les profits et le déclin du championnat d’Europe, il y a une quarantaine d’années, avait entraîné la mort des barquettes biplaces, notre principal fonds de commerce. Nous avons toutefois réussi à rebondir en abandonnant momentanément la construction de voitures et en faisant successivement courir des Lola F3 en 1979 (Ndlr. notamment pour le Valaisan Beat Blatter et pour son futur directeur de course Max Welti, présent lui aussi mardi soir à cette exposition spéciales des 24 Heures du Mans au Salon de Genève) et des BMW M1 au début des années quatre-vingts. Ensuite, la construction de la C8 à moteur Mercedes, en 1985 (Ndlr. ave Heini Mader, présent lui aussi mardi soir), nous a permis de remonter la pente et de ne plus quitter notre activité de constructeur depuis lors. Nous en serons cette année à notre 22e saison consécutive en F1…

A propos de F1, êtes-vous allé saluer Jean Todt qui a inauguré cette exposition en compagnie de Neel Jani et Marcel Fässler?

Comment? Jean Todt est également présent? Il y a tellement de monde que je n’avais même pas remarqué qu’il était là. Je m’en vais immédiatement le rencontrer, si vous permettez.

Bien sûr, on vous le permet bien volontiers et on reconnaît, également bien volontiers, qu’il y avait un très grand nombre d’invités, de Jean Todt à Pierre Fillon, président de l’ACO, en passant par Gary Hirsch, qui disputera cette année ses premières 24 Heures du Mans au sein de l’écurie du fribourgeois Benoît Morand, présent lui aussi mardi soir, Claude Sage, Florian Vetsch, Nicolas Lapierre, Henri Pescarolo (ancien pilote de Sauber, notamment du temps des célèbres Kouros-Mercedes) et Pierluigi de Silvestro, le père de Simona de Silvestro.

A sujet de Simona de Silvestro, désormais «affiliated driver» chez Sauber, plusieurs rumeurs font état de ses grands-débuts dans le championnat du monde de F1 lors des essais du vendredi du Grand-Prix des Etats-Unis, le 31 octobre prochain. Pour la petite histoire, on relèvera que ce 31 octobre coïncidera également avec le 26e anniversaire de Sébastien Buemi, le troisième pilote de Red Bull en F1. Dans une longue interview publiée dans l’Illustré de ce 5 mars, le pilote vaudois a relevé qu’il préférait «avoir la possibilité de remplacer Vettel ou Ricciardo en cours de saison en cas de nécessité» plutôt que de courir au sein d’une écurie «condamnée à stagner en fond de grille». Les probabilités que Sébastien Buemi soit lui aussi présent au Grand-Prix des Etats-Unis 2014, à Austin, sont cependant faibles. Les 6 Heures de Shanghai, antépénultième épreuve du championnat du monde d’endurance qu’il dispute avec Toyota, sont en effet agendées à la même date!

Peter Sauber en bref

Né le 13 octobre 1943 et père de deux enfants, Peter Sauber est marié depuis 1965 avec son épouse Christiane dont l’initiale C se retrouve sur toutes ses voitures, de la C1 des débuts à la toute nouvelle C33 qu’Adrian Sutil (no 99) et Esteban Gutierrez (no 21) feront débuter dans une dizaine de jours au Grand-Prix d’Australie. Fils d’un très important industriel dans le domaine de l’électricité, Peter Sauber a ouvert en 1970, l’année de son titre de champion de Suisse, un garage à Hinwil sur le terrain d’une des succursales de la société de son père, une entreprise de plus de 200 employés. Ce garage, concessionnaire Jaguar à un moment donné, a été vendu en 1986, année où ses liens avec Mercedes sont devenus plus étroits. C’est avec la firme de Stuttgart, du temps où ses voitures s’appelaient Sauber-Mercedes, qu’ila connu ses plus grands succès, notamment la victoire aux 24 Heures du Mans en 1989 et deux titres de champion du monde en sport-prototypes en 1989 et 1990. C’est au cours de cette dernière année, que Michael Schumacher, alors jeune pilote prometteur, avait couru pour Peter Sauber. Un Michael Schumacher qui était présent dans de nombreuses discussions au Salon de Genève. Le citoyen de Gland s’était souvent déplacé aux journées de presse. Il y avait notamment dévoilé la nouvelle Mercedes classe C en 2010. L’Illustré de ce 5 mars se fait par ailleurs l’écho de nouvelles préoccupantes à son égard et relève ce qui suit: «L’équipe du CHU de Grenoble qui suit Michael Schumacher se serait résignée à ne jamais le voir se réveiller. Du côté de sa famille, on refuse néanmoins de perdre espoir.»

Crédit des photos: Laurent Missbauer, PP Sauber AG et archives Laurent Missbauer

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