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L’Endurance Historique, un renouveau ? Interview de Marc Ouayoun, directeur de Peter Auto

Chez Sport-Auto.ch nous parlons régulièrement des principales disciplines du sport automobile, dans un panel assez large allant du rallye au karting. Par sa diversité, la compétition automobile a encore de beaux jours devant elle, qu’elle se dispute sur les routes de montagne ou sur circuit. En plus de la compétition, l’automobile se met aussi en valeur à travers des concours d’élégance, qui occupent également une place croissante dans les évènements et expériences que les passionnés de voitures peuvent participer ou visiter. Dans cet article, nous allons nous pencher sur une discipline légèrement moins connue sur nos contrées, mais dont l’intérêt est non moins présent : le championnat Historic Racing organisé par Peter Auto.

 

Cet organisateur français est surtout connu pour ses manifestations majeures, comme Le Mans Classic ou le “Tour Auto” rassemblant des voitures de courses historiques souvent prestigieuses. Des anciennes voitures iconiques et parfois rarissimes, comme des BMW M1, Ferrari 512M, Porsche 911 RSR ou encore Shelby Cobra, y participent chaque année. Peter Auto organise chaque année un championnat dédié à la compétition historique sur des circuits, et nous nous trouvons à présent à l’Autodrome d’Imola en Italie afin d’assister à une de leur manche. L’évènement baptisé “Imola Classic” rassemble diverses catégories de voitures de course, allant des années 60 aux années 2000. Des très rares Maserati MC12 Corsa côtoient donc des Ford GT40 ou autres De Tomaso Pantera GR4… ce n’est pas un spectacle commun ! Et nos oreilles apprécient…

Mais comment ce championnat de niche parvient-il à convaincre les propriétaires de ces voitures à venir faire rugir leurs mécaniques dans cette compétition ? On sait que beaucoup de collectionneurs habitent en Suisse, et que même des voitures d’endurance classiques stationnent discrètement dans nos contrées. Certaines ont même participé à des compétitions prestigieuses comme les 24 Heures du Mans. Dans un grand nombre de cas, ces voitures, ne pouvant pas être conduites sur routes publiques et donc non homologuées même pour participer à des rallyes historiques, sont difficiles à faire rouler — surtout en compétition — dans notre pays dépourvu de circuit automobile. Or, ces anciennes gloires méritent de reprendre l’air et le tarmac… et c’est notamment dans ce championnat qu’elles peuvent le faire.  

 

 

Dans ce contexte, nous avons eu l’occasion d’interviewer Marc Ouayoun, le directeur général de Peter Auto. Arrivé récemment à la tête de l’organisation, il dispose d’un parcours impressionnant dans l’industrie automobile, ayant été notamment président de Porsche France et Audi France durant plusieurs années.  


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onsieur Ouayoun, en tant que directeur de Peter Auto, comment percevez-vous la Suisse ?
On sait que de nombreux collectionneurs privés préfèrent garder leurs voitures au garage plutôt que de les sortir...

On a beaucoup de clients suisses, vous avez une grande passion de l’automobile et beaucoup de très belles voitures. On travaille avec des teams suisses qui sont très performants et des vrais partenaires à la saison. Ils sont aussi des vrais prescripteurs auprès de nos clients. On accueille beaucoup de nouveaux participants helvétiques, et on continuera à leur ouvrir nos portes car ce sont des personnes exigeantes qui aiment Peter Auto parce qu’on leur apporte une prestation de qualité pendant un weekend. Donc oui, on est ravis d’avoir des clients suisses. Je pense surtout qu’il y a un vrai savoir-faire des équipes helvétiques sur cette coupe Endurance Classic, sur la Porsche 2.0l Cup, et même en ERL (Endurance Racing Legends, NDLR) on le voit.

 

Dans vos prochains évènements, est-ce qu’on peut s’attendre à retrouver des anciens pilotes automobiles qui reviennent courir ? Ici, à Imola, on peut par exemple voir Philippe Siffert au volant d’une Porsche 917. C’est un exemple de belle histoire à vivre pour le public sur vos évènements ?

Oui ça typiquement, c’est une belle histoire. On a aussi Jan Magnussen (père de Kevin Magnussen, pilote de F1 jusqu’en 2024, NDLR) qui roule en Lola. Cela fait effectivement partie de nos axes de travail : mettre en avant l’histoire du sport automobile et ses pilotes. Quand on peut le faire sur des courses dans nos évènements Peter Auto, on le fait. D’ailleurs le championnat qu’on appelle aujourd’hui Historic Racing by Peter Auto, va devenir Le Mans Classic Series. Cela va donner une notoriété supérieure à nos évènements et va permettre aussi de faire venir des pilotes, pas seulement ceux qu’on voit courir, mais aussi dautres personnes de renom qui se sont illustrés précédemment sur des circuits par exemple, ou avec des marques qui roulent avec nous. C’est donc un axe important, car tout le storytelling des évènements aujourd’hui est très important, surtout à l’ère des réseaux sociaux. 

 

Concernant le futur, comment vous vous adaptez aux évolutions des attentes des collectionneurs plus jeunes ? Est-ce que vous pourrez rendre le sport automobile historique plus accessible aux nouvelles générations ?

Nous avons une série avec des voitures assez prestigieuses, et c’est sûr que cela a un coût. Mais on voit émerger maintenant des séries pour tous les budgets. Si vous démarrez, vous allez faire des séries FFSA pour les débutants, ce qui reste pas trop cher. Chez nous, cela reste quand même des gentlemen drivers qui pour la plupart sont chefs d’entreprise, et donc ont plus de moyens pour courir. On est clairement sur un positionnement haut de gamme, et on le revendique comme ça. Par contre, ce qu’on voit, c’est que des jeunes entrepreneurs de nouvelle génération sont de plus en plus intéressés par la course historique, parce que c’est des voitures qui leur ont fait rêver eux-mêmes jeunes. Piloter des anciennes voitures procure des sensations incroyables. Ce sont des voitures qui sont de toutes les époques, avec des bruits incroyables, qui ont des comportements sur la piste très spécifiques. Quand on voit une Ford Cortina, c’est une voiture ultra amusante à conduire, c’est un exemple de voiture qui procure énormément de sensations sans forcément aller très vite!  On a aussi lancé des séries plus récentes, comme l’ERL (Endurance Racing Legends) qui attire aujourd’hui des personnes de 30-40 ans qui ont connu ces voitures-là quand ils rêvaient sur le bord du circuit du Mans par exemple, quand ils avaient 10-15 ans. On a aussi un plateau encore plus récent que l’ERL qui va être démarré l’année prochaine, et on va y trouver les LMP1 / LMP2, ainsi que les GT des années 2010. Donc des voitures vraiment assez récentes mais qui ont fait rêver beaucoup de gens, moi y compris. Voir une Porsche 911 RSR de 2014, cela reste magique… Ce sont des voitures qu’on va aussi voir courir sur nos séries.

Mais bon, on n’a pas vocation à “switcher” que vers du moderne, parce qu’on a beaucoup de succès avec les sixties, ces voitures qui sont ultra sympa à conduire et procurent des vraies émotions. Les voitures des années 70, par exemple avec le CER1 et CER2 (Classic Endurance Racing, NDRL), sont également très appréciées… mais on a aussi des nouvelles demandes. Pour nous, c’est important de les suivre et donc d’élargir nos plateaux. C’est pour cela d’ailleurs aussi que nous allons faire le Mans Classic tous les ans maintenant, mais avec deux plateaux différents d’une année à l’autre (avant années 70 / après années 70). Comme ça, il n’y a pas de lassitude et on découvre tout le spectre du sport automobile classique d’endurance.

 

Au niveau évènementiel, on voit ces temps-ci des émergences de nouveaux évènements, comme The ICE St-Moritz en Suisse par exemple. Qu’en pensez-vous ? Vous voyez cela comme de la concurrence pour vos évènements Peter Auto ?

Non, nous clairement notre ADN c’est vraiment l’endurance classique, c’est Le Mans. On est très contents que d’autres évènements arrivent. On est ravis de voir d’autres organisations proposer des évènements pour faire la promotion des voitures historiques. Je trouve cela très bien qu’on ait un peu des alliés pour faire peser la cause de l’automobile classique en Europe. Aujourd’hui il y a une vraie tendance, ce n’est pas seulement auprès des personnes qui ont vu ces voitures quand ils étaient jeunes, mais même sur des voitures des années 50/60. Cela participe aussi à l’attrait des nouvelles générations pour le vintage, c’est à dire des choses qui sortent un peu du côté jetable, de la société de consommation. Les gens aiment s‘intéresser aux choses que se transmettent, en fait. C’est comme les montres vintage, on n’a pas forcément envie d’acheter la toute dernière montre qui vient de sortir, mais on a envie de préserver une montre qui a une âme, parce qu’elle est passée entre plusieurs mains, parce qu’elle a été maintenue. L’automobile, c’est à peu près pareil. Nous, quelque part, on parle de durabilité : on fait courir des voitures qui ont 50/60/70 ans, qui sont toujours maintenues, que ce soit en termes d’esthétique, de mécanique, ou de sécurité. D’ailleurs, on fait travailler beaucoup de monde pour ça. Je pense que la nouvelle génération est très sensible à ça. Le fait qu’il y ait des évènements autres qui soient organisés — on le voit par exemple aussi avec l’évènement FAT ICE RACE de Zell am See c’est aussi le signe d’une nouvelle génération qui s’intéresse à l’automobile ancienne, et nous cela nous va très bien. Chacun a son positionnement, et le nôtre c’est d’organiser les meilleures courses historiques sur les plus beaux circuits, pour une clientèle exigeante.

 

Est-ce qu’on pourra voir un jour le Tour Auto passer par la Suisse ? 

Je pense que ce sera compliqué. Le Tour Auto a déjà fait des incartades dans d’autres pays (Espagne, Belgique), mais ce n’est pas prévu à court terme. Si un jour c’est possible, pourquoi pas ! J’adorerais voir le Tour Auto faire une incartade plus grande dans les Alpes par exemple, mais le problème c’est qu’on a quand même un parcours assez long, c’est très dense, et on ne peut pas faire beaucoup de route qui nous éloigne trop du sud de la France. Donc il faut qu’on soit conscient qu’on ait la possibilité de finir chaque étape soit dans la zone sud est, soit sud-ouest de la France. Mais pourquoi pas..

 

Merci à Monsieur Ouayoun pour sa disponibilité durant Imola Classic.
En conclusion ? L’automobile historique a encore de très bons jours devant elle
. Force est de constater que Peter Auto joue un rôle majeur pour préserver et faire vivre au public comme aux pilotes le spectacle impressionnant offert par ces voitures de course d’endurance. Le passage à une fréquence annuelle pour Le Mans Classic en est une bonne preuve. Quant à nous, bien qu’on ait été déçus de ne pas avoir pu voir sur la piste notre Suisse Philippe Siffert au volant d’une Porsche 917 à cause de légers ennuis techniques, nous repartons d’Imola Classic en se disant qu’il vaut la peine de retourner voir toutes ces légendes automobiles en vrai, et ce pourquoi pas annuellement !
 

 

Crédits photos :
Nicolas Mari / Sport-Auto.ch
Peter Auto / PhotoClassicRacing 
Peter Auto / Bremaud
Peter Auto / Vpagnier 
Peter Auto / Amathieu

 

 

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