Renault veut se battre à nouveau parmi les meilleures équipes de F1. Le recrutement de l’Australien Daniel Ricciardo et d’importants investissements devraient lui permettre de viser tout d’abord les podiums, puis, dès 2020, les victoires et ensuite le titre. Cette vision à long terme se retrouve également dans le programme de détection de jeunes talents Renault Sport Academy. Parmi ces jeunes talents figure le Brésilien Caio Collet qui aura 17 ans le 3 avril et qui est managé par Nicolas Todt. Alain Prost nous en a dit le plus grand bien.
Enstone, localité de 1100 habitants nichée au cœur du comté d’Oxford. C’est en pleine campagne, dans les environs de ce paisible village non dénué de charme avec ses caractéristiques maisons en pierre, ses jardins typiquement anglais et ses vieux pubs, que se trouve le siège de Renault F1 Team.
L’écurie française nous a conviés ce mardi 12 février à la présentation de sa nouvelle monoplace et de ses deux pilotes: l’Allemand Nico Hülkenberg, qui en est sa neuvième saison de F1, la troisième consécutive chez Renault après avoir successivement couru chez Willams, Sauber et Force India, et l’Australien Daniel Ricciardo. Celui-ci a remporté sept victoires en F1 au cours de ses cinq dernières saisons chez Red Bull. Il avait créé la surprise au mois d’août en annonçant qu’il quitterait l’écurie autrichienne afin de rejoindre la marque au losange.
«Bonjour, je m’appelle Daniel!» Tels ont été les premiers mots prononcés, en français s’il vous plaît, par le sympathique pilote australien. Non dénué d’humour et plus souriant que jamais, il a expliqué qu’il avait signé chez Renault «afin d’apprendre le français». Il s’agit là d’une boutade destinée à tous ceux qui s’étaient demandés, l’été passé, ce qui avait bien pu le pousser à quitter une équipe Red Bull avec laquelle il venait de remporter les sixième et septième victoires de sa carrière pour signer chez Renault dont les deux meilleurs résultats n’étaient que deux modestes cinquièmes places en 2018.
Eh bien non, Daniel Ricciardo n’a pas signé chez Renault afin d’améliorer son français mais bien pour relever un sacré défi: celui d’aider la firme au losange à revenir au sommet et, pourquoi pas, rééditer les titres mondiaux remportés en 2005 et en 2006 avec Fernando Alonso.
Le pilote australien a-t-il fait le bon choix en allant chez Renault et en tournant le dos à Red Bull qui, en 2019, pour la première fois depuis 2007, ne roulera pas avec des moteurs Renault (rebadgés TAG Heuer les trois dernières saisons) mais bien avec des propulseurs Honda? L’avenir nous le dira.
Ce qui est certain, c’est que Renault s’est donné les moyens de ses ambitions. Environ 700 collaborateurs travaillent désormais à Enstone. Il s’agit d’une croissance de 50% sur les trois dernières années et même de 30% par rapport aux campagnes victorieuses de 2005 et 2006. A Viry aussi, au sud de Paris, là où se trouve le site dédié à la conception et au développement du groupe propulseur de F1, les investissements ont été conséquents. Un nouveau bâtiment de 4000 m2 sera inauguré ces prochains mois afin d’accueillir «les effectifs croissants et moderniser les installations actuelles».
Tous ces investissements réjouissent bien entendu Nico Hülkenberg qui pourrait enfin récolter les fruits de son engagement chez Renault à la fin de l’année 2016 après trois saisons chez Force India et deux piges chez Porsche. Dans l’équipe allemande, il avait notamment côtoyé le Biennois Neel Jani et s’était permis le luxe de remporter les 24 Heures du Mans de 2015 à sa première tentative. Cela avec une Porsche 919 Hybrid dont il partageait le volant avec Earl Bamber et Nick Tandy.
Nico Hülkenberg: «Toute l’équipe Renault a beaucoup progressé depuis mon arrivée en 2017. Après une 6e place au classement final du championnat en 2017 et une 4e place à celui de 2018, notre évolution a été constante et la volonté de Renault de s’imposer à long terme est bien réelle», a reconnu celui qui avait défendu les couleurs de l’écurie Sauber en 2013.
Pour Renault, le long terme passe également par l’éclosion des jeunes talents que le constructeur français «couve» au sein de son programme Renault Sport Academy. Le constructeur au losange possède une riche histoire dans la découverte, le développement et l’éclosion de nombreux pilotes de renom à l’instar de Robert Kubica, Fernando Alonso, Heikki Kovalainen ainsi que les Genevois Romain Grosjean et Louis Delétraz.
Louis Delétraz a en effet été membre à part entière de la Renault Sport Academy en 2016. Cela n’est plus le cas actuellement mais cela ne l’empêchera pas d’être cette année un des principaux favoris du championnat de Formule 2 avec le Vaudois d’adoption Mick Schumacher.
La promotion 2019 de la Renault Sport Academy se compose des six pilotes suivants: Guanyu Zhou et Antoine Hubert en F2, Max Fewtrell et Christian Lundgaard en F3 ainsi que Victor Martins et Caio Collet en Formule Renault Eurocup. Le dernier nommé, officialisé au mois de janvier, sera à surveiller de près. Pas encore âgé de 17 ans – il les fêtera le 2 avril prochain –, il pourrait bien devenir dans un proche avenir le futur pilote de F1 que le Brésil attend depuis la retraite de Felipe Massa.
A peine âgé de 13 ans, Caio Collet n’a pas hésité à quitter son Brésil natal où il avait remporté trois titres nationaux en karting afin de se mesurer à plus fort que lui en Europe. Non sans succès puisqu’il a terminé 3e du championnat du monde CIK-FIA Junior et meilleur rookie en 2015. A la fin de l’année 2016, Caio Collet a signé un contrat de management avec Nicolas Todt qui n’a pas été étranger dans l’éclosion de Charles Leclerc lequel a brillé de mille feux l’année passée chez Sauber en F1 avant d’être engagé par Ferrari cette saison.
Alain Prost, conseiller spécial de l’écurie Renault de F1 présent à Enstone, nous a dit le plus grand bien de Caio Collet: «Le fait qu’il se soit déplacé en Europe à l’âge de seulement 13 afin de progresser et de donner une dimension internationale à sa carrière en dit long sur sa motivation. Il a ensuite gagné le volant Winfield en France et s’est adjugé l’année passée le championnat de France de Formule 4, une course avant le terme du championnat. Cela en remportant de sept victoires! Pas mal non, pour un débutant?»
«Inutile de préciser que je suivrai attentivement cette saison sa progression en Formule Renault», nous a confié le quadruple champion du monde de F1 qui est domicilié depuis 1984 dans le canton de Vaud, tout d’abord à Ste-Croix, puis à Yens-sur-Morges et désormais à Nyon. Lorsqu’on lui a demandé si c’était un avantage de taille pour Caio Collet d’être managé par Nicolas Todt, qui habite lui aussi en Suisse, à Genève, depuis plusieurs années, Alain Prost nous a répondu affirmativement.
Alain Prost: «Nicolas Todt est une personne que j’apprécie beaucoup. Il est à la fois très humain et très sérieux. S’occuper de jeunes pilotes, les conseiller, les aider à franchir progressivement les étapes qui les conduiront un beau jour au firmament du sport automobile n’est pas quelque chose de facile et Nicolas Todt le fait très bien. Nous nous rencontrons d’ailleurs très souvent, en Suisse et également à l’étranger.»
A la question de savoir si la nationalité brésilienne de Caio Collet pouvait expliquer son admission au sein de la Renault Sport Academy à l’heure où le Brésil attend un nouveau pilote de F1, Alain Prost a répondu de façon négative: «La nationalité n’entre pas en ligne de compte. Ce qui nous intéresse, c’est que les jeunes pilotes retenus au sein de la Renault Sport Academy soient les plus talentueux et les plus rapides possibles.»
[caption id="attachment_70260" align="alignright" width="255"] 2018 – ePrix de New-York[/caption]«Les autres filières, telles que celles mises sur pied par Mercedes, Ferrari, McLaren ou Red Bull, agissent de la même manière», nous a expliqué Alain Prost. On en veut pour preuve le fait que Red Bull ait investi de très importantes sommes d’argent sur Sébastien Buemi bien que la Suisse soit un marché nettement plus petit que l’Allemagne, la France, l’Italie ou la Russie pour le fabricant autrichien de boissons.
Les filières susceptibles de dénicher de jeunes talents afin de tenter de les conduire jusqu’en F1 comme le fait le programme Renault Sport Academy ne sont pas étrangères à Nico Hülkenberg: «J’ai en effet profité de la filière BMW avec notamment la Formule BMW où je faisais équipe avec Natacha Gachnang. Natacha et moi courrions en effet tous les deux au sein du Josef Kaufmann Racing en 2005. Je me souviens qu’elle était extrêmement rapide et qu’elle terminait régulièrement sur le podium. Une fois, nous avons même terminé tous les deux sur le podium d’une course remportée par son cousin Sébastien Buemi.»
Lorsqu’on demande à Nico Hülkenberg de nous citer une anecdote sur sa cohabitation avec Natacha Gachnang au sein du Josef Kaufmann Racing, sa réponse fuse: «Je me souviens que j’étais un peu gêné lorsque nous devions nous changer tous les deux dans le camion de l’écurie. Cela ne pose aucun problème lorsque les deux pilotes de l’écurie sont du même sexe. Il en va cependant différemment lorsque votre coéquipier est une coéquipière», rigole Nico Hülkenberg.
Force est de constater que les deux pilotes de l’écurie Renault de F1 de cette année aiment bien rire tous les deux, même si c’est Daniel Ricciardo qui affiche la plus large banane. Il fait largement honneur à son surnom de «Dan la banane»!
Crédits des photos: Laurent Missbauer, Renault, Porsche, Autosport, Helen Hauck et BMW
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