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Enzo Ferrari, vainqueur à Genève il y a 100 ans !

Enzo Ferrari n’a pas seulement habité et travaillé à Genève il y a 100 ans. Il y a également couru. C’est en effet au volant d’une Alfa Romeo RL SS qu’il a signé, le 16 mars 1924, une victoire de catégorie tout en réalisant le 3e meilleur temps absolu lors du kilomètre lancé disputé à Eaumorte. Ce n’était cependant pas la première fois qu’Enzo Ferrari courait en Suisse. En 1921 et en 1922, il avait en effet participé à la course de côte du Grand-Saint-Bernard. Non sans succès!

Certains épisodes de la vie d’Enzo Ferrari sont entourés d’un épais mystère. C’est le cas de la date de sa naissance. Le commendatore a toujours prétendu qu’il était né à Modène le 18 février 1898 et que son père ne l’avait déclaré que deux jours plus tard en raison de la neige tombée en abondance. Or, les données météorologiques indiquent qu’aucune chute de neige n’avait été observée à Modène, ni ce jour-là, ni pendant tout le mois de février 1898!

Un autre mystère concerne les raisons de la participation d’Enzo Ferrari, le 16 mars 1924, au kilomètre lancé d’Eaumorte. Celui-ci, organisé dans le cadre du Salon de Genève, s’est disputé sur la ligne droite qui relie Bernex à Chancy dans la campagne genevoise.

Sur la plaque commémorative érigée à proximité de l’arrêt de bus Athenaz-Passeiry des Transports publics genevois, on peut notamment lire ceci: « Hommage à Enzo Ferrari pour sa victoire au kilomètre d’Eaumorte en 1924. »

Dans le Journal de Genève de l’époque, on peut notamment lire qu’Enzo Ferrari, Genève, Alfa Romeo, a signé le troisième meilleur temps de la journée en 27’’1. Il n’a été battu que par les Français René Thomas (Delage) et Jules Moriceau (Talbot), respectivement chronométrés en 17’’6 et 25’’3. Aussi bien le «Genevois» Enzo Ferrari que les Français René Thomas et Jules Moriceau ont remporté chacun leur catégorie où ils étaient les seuls inscrits.



Dans le livre « Enzo Ferrari, una vita per l’automobile », publié par son fils Piero Ferrari à partir de notes écrites à la première personne par son père, la «victoire» d’Eaumorte est décrite comme suit :
« J’ai remporté en 1924 le Kilomètre lancé de Genève dans la catégorie Sport. Je disposais d’une Alfa RL SS 6 cylindres et avais pu compter sur le talent organisationnel d’Albert Schmidt pour lequel j’avais déjà piloté quelques mois auparavant, pendant la seule période où j’ai travaillé à l’étranger. »

Avant de diriger la Scuderia Ferrari, qui faisait courir des Alfa Romeo à partir de 1930, puis de construire, à partir de 1947, des voitures qui portaient son nom, Enzo Ferrari était en effet un pilote de renom. Il n’était certes pas aussi rapide que Tazio Nuvolari, considéré par beaucoup comme le meilleur pilote de sa génération, mais il a quand même obtenu plusieurs résultats remarquables. Cela dès sa deuxième saison de compétition, en 1920. Cette année-là, il s’est notamment classé 3e au classement général de la course de côte Parma-Poggio di Berceto, sur une Isotta Fraschini, puis 2e au classement général de la Targa Florio pour ses débuts avec Alfa Romeo.

Avant d’arriver à Genève, Enzo Ferrari a disputé une quinzaine de courses au volant de différentes Alfa Romeo. Est-ce la raison pour laquelle il a travaillé plusieurs mois, entre la fin de l’année 1923 et le début de l’année 1924, chez Albert Schmidt, qui était à l’époque agent Alfa Romeo au Boulevard James-Fazy à Genève? C’est fort probable. Enzo Ferrari s’est en effet rapidement aperçu qu’il avait davantage de talent pour faire courir ses voitures et les vendre que pour les piloter. Pourquoi dès lors ne pas s’inspirer du talent organisationnel précédemment évoqué d’Albert Schmidt avant de se mettre à son compte? Surtout qu’Albert Schmidt n’était pas seulement agent Alfa Romeo, mais également agent Morris et Rolls-Royce.

On relèvera par ailleurs qu’Albert Schmidt ne se contentait pas de vendre ses Alfa Romeo, il les faisait également courir, tout comme le fera plus tard Enzo Ferrari. Outre l’Alfa Romeo confiée à Enzo Ferrari à Eaumorte, deux autres Alfa Romeo étaient en effet engagées lors de cette épreuve, dont une pour Albert Schmidt lui-même qui s’imposait en 31’’3 devant trois autres concurrents dans la catégorie 4 de la classe tourisme. Enzo Ferrari s’est-il donc inspiré d’Albert Schmidt avant de créer sa Scuderia le 1er décembre 1929? On l’ignore! Ce qui est certain en revanche, c’est qu’il avait été très impressionné par la Delage 12 cylindres que pilotait à Eaumorte le Français René Thomas. Lorsqu’il deviendra constructeur à son tour, Enzo Ferrari fera ainsi des moteurs 12 cylindres l’une de ses principales marques de fabrique!

Fort de son succès à Eaumorte, où il a établi un nouveau record d’Europe à 203,5 km/h avec la Delage de René Thomas, le constructeur français a attiré beaucoup de monde sur son stand au Salon de Genève. La Delage 12 cylindres de course y était bien entendu exposée. Cela pour le plus grand plaisir de l’envoyé spécial du Journal de Genève qui écrivit: « Avec de telles attractions, le salon va attirer une foule considérable car l’automobile a pris une place prépondérante dans notre société. Le transport et la vitesse sont en effet des facteurs de progrès. »


Ce progrès intéresse aussi les organisateurs de la course de côte d’Aoste–Grand-Saint-Bernard. Celle-ci voit le jour en 1920 et ne tarde pas à attirer quelques-uns des meilleures pilotes du continent jusqu’en 1957. Si le départ de l’épreuve a lieu à Aoste, c’est sur sol suisse que se trouve la ligne d’arrivée. Une fois les 34 km de course avalés, les concurrents stationnent d’ailleurs leurs bolides devant l’hospice du Grand-Saint-Bernard. Parmi eux, un certain Enzo Ferrari. Tout d’abord en 1921, où il termine 1er dans sa catégorie et 5e au classement général au volant d’une Alfa Romeo. Le journal Il Popolo Sportivo, qui organise l’épreuve, relèvera ce qui suit: «La course a attiré un grand nombre de spectateurs, non seulement d’Italie mais également de Suisse. Parmi ces derniers, on notera le président de l’Automobile Club de Suisse et les autorités politiques du canton du Valais. Des prix d’une grande valeur furent offerts par les membres suisses du comité d’organisation qui envisagent de mettre sur pied l’année suivante une course de côte Martigny–Grand-Saint-Bernard.»

Cette course de côte Martigny–Grand-Saint-Bernard ne vit toutefois pas le jour et c’est à nouveau sur le parcours Aoste–Grand-Saint-Bernard que se déroule l’épreuve en 1922. Enzo Ferrari s’y classe 2e dans sa catégorie et 8e au classement général avec une Steyr autrichienne. Il s’agira de la seule fois qu’Enzo Ferrari s’alignera au volant d’une voiture étrangère. « C’était un ami, qui représentait la marque Steyr en Italie, qui m’avait convaincu à l’engager en course. Pour être honnête, cette Steyr ne m’enthousiasma guère », écrivit Enzo Ferrari dans ses mémoires. Sa plume ne manquait pas de talent. D’ailleurs, quand il était adolescent, Enzo Ferrari a même écrit pour La Gazzetta dello Sport. Le célèbre quotidien sportif italien publia ainsi le 16 novembre 1914 un article signé par Enzo Ferrari. Celui-ci, âgé alors de 16 ans, rédigea le compte-rendu de la rencontre de football qui vit l’Inter de Milan écraser Modène sur le score de 7 à 1. Dans son article, Enzo Ferrari y saluait notamment l’excellente prestation de l’arbitre ainsi que les trois buts inscrits par Ermanno Aebi, le milieu de terrain de l’Inter, né d’un père suisse et d’une mère italienne, qui avait été formé à Neuchâtel.

Outre le sport automobile, Enzo Ferrari s’intéressait également au club de football de Modène dont il a même été l’un des dirigeants à la fin des années 1920. Très brièvement toutefois. Une brièveté qui s’explique peut-être par son aspiration à vouloir toujours diriger tout seul et d’avoir, en toutes circonstances, le dernier mot.

Une de ses phrases préférées était par exemple « Un conseil d’administration efficace est composé d’un nombre impair de membres, obligatoirement inférieur à trois…» Une autre de ses phrases célèbres est « La plus belle victoire est celle que nous devons encore remporter. » Elle figure d’ailleurs en bonne place au Musée Ferrari de Maranello.

Crédits des photos: Laurent Missbauer, Ferrari et Archives Missbauer

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