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Le rallye suisse en crise !

« Le rallye, c’était mieux avant ! » Derrière cette phrase de vieux réactionnaire un peu aigri se cache pourtant une certaine réalité. Non pas que le rallye actuel soit moins intéressant ou moins compétitif mais force est de constater que le rallye dispose d’une popularité affaiblie. L’automobile n’a pas la même cote qu’il y a quelques décennies et le rallye ne fait pas vraiment exception.

 

 

GREG HOTZ JETE L’EPONGE

Les organisateurs de rallyes, les promoteurs de trophées et autres coupes de marques peinent à faire le plein. Dans ce contexte, c’est avec grand regret qu’on apprenait, cette semaine, l’annulation du Trophée Greg Hotz Rally Parts 2023. Grégoire Hotz explique sa décision difficile : « … un énorme manque d’inscrits, ainsi qu’un énorme manque d’intérêt de la part des pilotes me font jeter l’éponge. »

 

L’édition 2022 du même trophée n’avait pas connue une adhésion massive. Seule une poignée d’équipages ont répondu présent et les quatre équipages ayant participé à l’ensemble du championnat se sont vus récompensés par une impressionnante planche de prix. Chacun de ces équipages courra gratuitement sur l’une des manches 2023 du Championnat suisse des rallyes, rien que ça ! Si d’aucuns ont pu douter que ces prix soient bien distribués, Greg Hotz prouve qu’il tient ses engagements et fera rouler ‘ses’ pilotes en 2023.

Dès lors, comment expliquer le désintérêt pour ce trophée ? Un manque de communication ou encore le prix des pneus obligatoires ont pu retenir l’engouement de certains mais le mal est sans doute ailleurs et plus profond. A quelques jours de la clôture des engagements au Critérium Jurassien, on sait que la liste des inscrits peine à se remplir.

 

 

LES RALLYES PEINENT A REMPLIR LEURS LISTES D’ENGAGES

Contacté par Sport-Auto.ch, Patrick Spart réagi ainsi « On a vécu une belle édition 2022 avec un joli plateau. On est conscient qu’on a été favorisé par l’après-Covid. En réalité, la Suisse ne dispose d’un réservoir que d’une centaine de concurrents. »

 

Seulement voilà, rares sont ceux qui roulent encore sur toutes les manches du Championnat suisse. Certains privilégient du roulage à l’étranger pour des raisons diverses. Meilleure visibilité pour certains, rallyes terre, coûts moindres, sont autant de raisons qui peuvent expliquer ces choix. Toutefois, cela ne fait pas les affaires des organisateurs helvètes.

Les manches ‘classiques’ que sont le Rallye du Chablais et le Rallye International du Valais semblent tirer leur épingle du jeu au prix de gros efforts. Le Critérium Jurassien et le Rally del Ticino connaissent plus de difficultés. A titre d’exemple, la liste des engagés au Tessin 2022 n’avait rien à voir avec certaines éditions précédentes. Les raisons de ce relatif désengagement sont sans doute multiples mais elles mettent les organisateurs en grande difficulté, notamment financière.

 

Afin de boucler leur budget, les organisateurs ont besoin de concurrents. Patrick Spart nous indique « Les engagements représentent les 3/4 de notre budget. » Le calcul est donc simple, moins d’engagés signifie moins d’argent pour boucler un budget. « Au total, la sécurité représente environ 50% des coûts d’organisation » indique Patrick. On voit donc mal comment diminuer drastiquement les engagements financiers.

LES ALTERNATIVES AU RALLYE MODERNE TRADITIONNEL

Alors comment font les organisateurs pour motiver les concurrents ? « On prend des contacts, on appelle les gens. On essaie également de se diversifier. » confie le vice-président du comité d’organisation du Critérium Jurassien. Depuis quelques années, le VHC séduit de plus en plus, tant du côté des équipages que du côté des spectateurs. La catégorie VHRS représente également un potentiel de développement. « Il s’agit d’une bonne alternative qui donne accès au sport automobile d’une autre manière. » Si cette dernière catégorie représente un joli potentiel pour les équipages concernés et les organisateurs, elle peine toutefois à convaincre les spectateurs car elle est moins spectaculaire que le ‘rallye traditionnel’.

 

Autre catégorie offrant un certain potentiel de développement, les véhicules électriques représentent un marché automobile en pleine évolution. Le Rallye du Chablais a bien compris que ce mode de propulsion est une vraie alternative. En 2023, l’ADAC Opel E-Rally Cup fera d’ailleurs escale dans le Chablais. Du côté du Critérium Jurassien, on attend également 1-2 voitures électriques. Là aussi, l’enthousiasme des spectateurs à l’égard de la catégorie peine à décoller. Le bruit artificiel produit par ces voitures y est sans doute pour beaucoup car les performances, elles, sont bien là.

LE CHAMPIONNAT JUNIOR 2022 EN CRISE MAIS EN REMISSION POUR 2023

En 2022, le Championnat suisse des rallyes Junior n’a compté que trois engagés. L’organisateur du Junior, Brice Zufferey s’exprime librement à ce sujet « On avait un Championnat suisse des rallyes Junior qui marchait vraiment bien. On a eu le ‘cas Toedli’ (NDLR : en 2021, irrégularité technique de sa Clio découverte lors du RIV) qui a abouti à la décision de l’ASS, que je respecte et que j’applique, de ne pas lui retirer le titre de Champion Junior 2021. Aujourd’hui, je sais, pour en avoir discuté avec plusieurs jeunes, que cette décision les a démotivés. Cette situation combinée avec le retrait de Renault qui implique que les primes sont moins attractives, le château s’écroule… »

 

Dès lors, comment relancer la machine après cet épisode malheureux ? Brice Zufferey de continuer « On repart avec une feuille blanche. Il faut au moins deux saisons pour relancer la machine. En 2023, on organise un Championnat Junior multimarques. »

 

Grâce à ce changement important, plusieurs nouveaux concurrents pourront accéder aux dotations voir au titre de Champion suisse des rallyes Junior. Avec un budget limité, les équipages en ISA ou ISN, par exemple, pourront rouler à moindre coût tout en bénéficiant de la visibilité et de l’encadrement offerts par le promoteur.

 

L’ORGANISATEUR DU TROPHEE MICHELIN INQUIET

Le trophée Michelin est reconduit pour 2023 et offre lui aussi un encadrement et une visibilité à tous ses engagés. Outre les équipages helvétiques, il est également ouvert aux pilotes français, ce qui lui permet d’avoir une envergure intéressante.

 

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, les Rally2 ne sont toujours pas admises à ce trophée. Brice Zufferey s’exprime sur la question « Ils (les équipages en RC2) ont assez de visibilité. On parle d’eux car ils jouent le Championnat. En plus de ça, la majorité d’entre eux sont des pleureuses qui oublient d’où ils viennent et la main qui les as nourris. Ils vont louer et acheter leurs pneus à l’étranger et, un jour, ils se plaindront parce qu’il n’y aura plus de distributeurs de pneus en Suisse. »

 

Visiblement inquiet, Brice Zufferey de poursuivre « Je tire la sonnette d’alarme. Je dis à mes amis du rallye suisse, attention ! J’aime mon sport, dans mon pays, mais si on continue comme ça, on va dans le mur très rapidement. »

 

UNE POINTE D’OPTIMISME

Le constat est dur mais le rallye suisse se trouve bien en difficultés. Patrick Spart de déclarer « Il faut rester optimiste. Quand on voit ce qu’arrive à faire le Cornuz Rally Tour par exemple, c’est la preuve que l’automobile a encore ses amateurs. »

 

Quelles solutions sont envisagées pour relancer la machine ? Patrick Spart est persuadé que « Ça passera par les énergies alternatives. Il y aura toujours de la compétition. C’est la FIA qui doit proposer des solutions et je suis convaincu qu’ils y travaillent. »

 

La question du budget reste sans doute le problème majeur de nos jours. S’il était possible de rouler à coût raisonnable il y a quelques années, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. A Sport-Auto.ch, on pense que la passion automobile existe toujours. Quel que soit le budget, on doit pouvoir se faire plaisir à bord d’une voiture de sport. La performance à tout prix n’a pas que des effets positifs.

 

Comme média spécialisé, Sport-Auto.ch ne peut qu’inviter tout le monde à se serrer les coudes, des commissaires aux organisateurs en passant par les concurrents et les sponsors afin que le rallye suisse puisse perdurer, pour le plus grand plaisir des passionnés que nous sommes. Alors allez-y, inscrivez-vous au Critérium Jurassien, préparez vos voitures, cherchez des sponsors et engagez-vous pour notre sport préféré !

Crédits photographiques : Nuno Ferreira / Sport-Auto.ch

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