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Interview Stefano Mella – ‘… aider ceux qui méritent d’avoir leur chance’

Engagé régulièrement sur les manches du Championnat suisse des rallyes depuis bientôt trois ans, Stefano Mella s’exprime dans un français impeccable avec un léger accent italien qui trahit ses origines. Du haut de sa longue expérience en rallye, il ose dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Il connaît bien son niveau de pilotage et, à 50 ans, continue dans sa quête de progression tout en prenant du plaisir au volant, son principal objectif. Le sympathique genevois d’adoption nous a accordé une longue interview dans laquelle il nous dévoile quelques idées intéressantes pour l’avenir du rallye, notamment pour les jeunes.

 

Après plusieurs années passées à rouler essentiellement en Italie et dans le cadre du Rally del Ticino, tu cours depuis 2023 à plein temps dans le Championnat Suisse des rallyes. Quelles sont tes motivations pour cet engagement ?

J’ai ressenti le besoin de franchir une nouvelle étape dans ma carrière. Le Championnat suisse des rallyes représente pour moi un environnement très compétitif, où le niveau est particulièrement élevé́ et les parcours très variés. Cela constitue une opportunité́ idéale pour continuer à progresser en tant que pilote. Ma motivation principale est de me mesurer régulièrement aux meilleurs équipages suisses afin d’élever encore mon niveau de performance et d’acquérir une expérience plus complète. Courir à plein temps en Suisse me permet également de renforcer ma visibilité́ dans mon pays, de mieux représenter mes partenaires, et de partager cette aventure avec le public local qui me soutient. Il s’agit d’un engagement naturel et ambitieux pour continuer à évoluer dans ma carrière sportive.

 

Quels sont tes objectifs pour tes prochains rallyes et au Championnat suisse des rallyes ?

Avant tout, de continuer à progresser étape après étape. Je souhaite consolider ma régularité́, améliorer mes chronos et acquérir de l’expérience sur chaque type de parcours. Bien entendu, l’ambition est de viser des résultats solides au classement général, mais aussi de me situer régulièrement parmi les meilleurs. Je tiens également à développer une meilleure connaissance des spéciales suisses qui demandent une approche précise et stratégique. À moyen terme, l’objectif est de m’affirmer comme un pilote compétitif et constant sur l’ensemble du championnat, tout en représentant au mieux mes partenaires et mon équipe.

 

Que penses-tu de l’organisation des rallyes en Suisse et du calendrier actuel ?

L’organisation des rallyes en Suisse est globalement bien structurée, mais il reste des points à améliorer. Personnellement, je suis toujours favorable à l’introduction d’une super spéciale dans chaque rallye. Cela permet de rapprocher le public, avec des familles et leurs enfants, de la course et de mettre en valeur toutes les qualités des pilotes. Aujourd’hui, assister à un rallye demande souvent de longs déplacements et beaucoup de marche pour rejoindre les spéciales, ce qui n’est pas toujours accessible à tous. En matière de sécurité́, même si des efforts importants sont faits, je pense qu’il faut renforcer la formation et la compétence du personnel et des commissaires. Trop souvent, on a pu constater des imprécisions liées à une méconnaissance du règlement. Cela peut compromettre le déroulement d’un rallye et surtout donner une mauvaise image de notre sport. La Suisse est connue pour sa rigueur et son sérieux, et je pense qu’il est essentiel que nos rallyes reflètent ces valeurs. Enfin, il est important de valoriser les pilotes qui s’engagent à l’année dans le championnat suisse et pas uniquement ceux qui viennent ponctuellement de l’étranger. C’est une condition pour renforcer l’attractivité́ et la crédibilité́ de notre championnat.

 

A 50 ans, tu es toujours aussi passionné et tu continues de rouler autant qu’avant, voire plus. Jusqu’à quand comptes-tu t’engager dans le Championnat suisse des rallyes et est-ce que tu as d’autres projets ?

La passion reste intacte et c’est sans doute ce qui me pousse à continuer à m’engager avec autant d’énergie dans le rallye. L’âge, pour moi, n’est pas une limite, tant que je conserve le plaisir de piloter et la condition nécessaire pour être compétitif. Je souhaite donc poursuivre ma participation au Championnat suisse aussi longtemps que je pourrai le faire avec sérieux et au bon niveau. Concernant l’avenir, j’ai évidemment des projets. Ils concernent non seulement ma carrière sportive, mais aussi la transmission de mon expérience. J’aimerais à terme contribuer au développement du rallye en Suisse, notamment en accompagnant de jeunes pilotes, en partageant ce que j’ai appris et en soutenant la croissance de notre discipline. Le sport automobile m’a beaucoup donné et il me parait naturel de rendre quelque chose en retour.

 

A côté de ton engagement, tu as lancé la société ‘Swiss Racing Lab’. Expliques-nous ce dont il s’agit ?

Swiss Racing Lab est un projet que j’ai lancé il y a deux ans, avec pour objectif d’offrir aux pilotes un véritable centre de compétences dédié́ au sport automobile. Nous proposons un accompagnement complet avec un support technique sur les rallyes, des conseils et un encadrement pour les équipages souhaitant progresser et optimiser leurs performances, mais aussi l’assistance en matière de communication et de gestion logistique. C’est un projet qui me tient particulièrement à cœur, car il me permet de partager mon expérience acquise au fil des années et de contribuer au développement du rallye en Suisse. Swiss Racing Lab doit être un lieu d’échange et de passion, où l’on travaille avec rigueur et professionnalisme, toujours avec la volonté́ d’amener nos clients plus loin dans leur pratique.

 

Quels sont les pilotes qui courent sous la bannière Swiss Racing Lab ou qui ont déjà été soutenus par ta société ?

Depuis sa création, Swiss Racing Lab accompagne plusieurs pilotes. En plus de mon propre engagement, nous travaillons avec Mathieu Franceschi, pilote français et vice-champion d’Europe 2024, ainsi qu’avec Yoan Loeffler, actuellement troisième du championnat suisse. Plus récemment, Jérémie Toedtli nous a également rejoint officiellement. Chacun bénéficie d’un soutien adapté, afin de leur permettre de se concentrer pleinement sur la performance et la progression.

 

Je crois savoir que tu as quelques idées pour la promotion du rallye en Suisse, notamment chez les jeunes. Peux-tu nous en dire plus ?

Oui, je pense qu’il est essentiel de renforcer la promotion du rallye en Suisse, en particulier auprès des jeunes. Notre discipline a besoin de renouveler ses générations et d’attirer de nouveaux talents. Pour cela, il faut créer davantage de passerelles accessibles, par exemple à travers des formules de promotion ou des programmes spécifiques qui permettent aux jeunes pilotes de se lancer avec des coûts maitrisés et un encadrement adapté. J’aimerais m’inspirer du projet Rallye Jeunes, qui existe déjà̀ en France et en Italie, afin de mettre en place un système de sélection de jeunes pilotes talentueux en Suisse. L’idée serait d’aider ceux qui méritent d’avoir leur chance, en leur offrant un soutien économique et en leur permettant de disputer une saison gratuitement. Cela leur donnerait une véritable opportunité́ pour se lancer ensuite dans des programmes plus importants, que ce soit en Europe ou dans les championnats du monde. Je crois que ce type d’initiative est indispensable pour donner un avenir au rallye en Suisse et offrir aux jeunes la possibilité́ de transformer leur passion en carrière.

 

Pour terminer, quelques questions rapides…

 

Quel est ton meilleur résultat en rallye ?

Mon meilleur résultat reste la victoire au Rallye de Misano, en Italie, en 2014. (NDLR : avec la Citroën C4 WRC)

 

A ton avis, quelle a été ta meilleure performance en rallye ?

Je considère que ma meilleure performance a été réalisée au Rallye de Misano en 2014. Ce jour-là, j’ai réussi à gagner toutes les spéciales de l’épreuve, ce qui reste un accomplissement rare et particulièrement gratifiant. Cela reflète non seulement la vitesse, mais aussi la constance et la maitrise sur l’ensemble du rallye.

 

Quelle est la meilleure voiture que tu aies pilotée ?

J’ai eu la chance de piloter plusieurs voitures au cours de ma carrière. Celle qui m’a particulièrement marqué reste la Citroën C4 WRC, une voiture exceptionnelle par son caractère et ses performances. J’ai également beaucoup apprécié la Ford Fiesta WRC, qui m’a procuré des sensations incroyables. Cela dit, je pense qu’aujourd’hui, les voitures de la nouvelle génération, les Rally2, représentent une évolution impressionnante. Elles permettent de rouler extrêmement vite, mais demandent en contrepartie un niveau de pilotage, de concentration et de compétence très élevé́.

 

Quelle est la voiture que tu aurais voulue ou que tu aimerais encore piloter ?

La Ford Fiesta WRC.

 

Quel est ton rallye préféré ?

Le Rallye du Tessin est sans doute celui auquel je suis le plus attaché, car il a une signification particulière pour moi. Mais j’ai également beaucoup apprécié́ plusieurs rallyes en Italie, pour leurs paysages et l’ambiance chaleureuse du public. Récemment, j’ai eu la chance de participer à de grandes épreuves en France, comme le Rallye d’Antibes avec ses spéciales mythiques comme le Col de Turini, la Cabanette ou le Col de Bleine, ainsi que le Rallye du Mont-Blanc. Ces expériences m’ont énormément plu et m’ont permis de mesurer le niveau très élevé́ du championnat français.

 

Quel est ton pilote préféré ?

Jean Ragnotti

 

Si tu devais piloter dans une autre discipline que le rallye, laquelle ça serait ?

Je choisirais probablement le circuit. C’est une école différente, où la précision, la gestion de la trajectoire et de la vitesse moyenne prennent une dimension particulière. J’ai toujours été attiré par l’endurance, comme les 24 Heures du Mans, car c’est une discipline qui allie performance, stratégie et esprit d’équipe. Cela représente un défi complètement diffèrent, mais tout aussi passionnant.

 

A part le rallye, est-ce que tu as d’autres passions ?

J’ai plusieurs passions qui me permettent de garder un bon équilibre. Je suis très attaché au sport en général, car il m’aide à maintenir ma condition physique et ma concentration. J’apprécie aussi les voyages, qui me donnent l’occasion de découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles cultures et souvent… de nouvelles routes. Mais ma plus grande passion reste le temps passé avec ma famille et mes proches. C’est ce qui me ressource le plus et me donne l’énergie nécessaire pour continuer à m’investir pleinement dans le sport automobile.

 

 

Quel est ton plat préféré ?

Mon plat préféré́ est le risotto, et en particulier le risotto aux fruits de mer. C’est un plat raffiné, qui me rappelle mes origines italiennes et que j’apprécie aussi bien pour son goût que pour la convivialité qu’il évoque.

 

Sport-Auto.ch remercie chaleureusement Stefano pour le temps qu’il nous a accordé et lui souhaite plein succès pour la suite de saison 2025.

 

 

Crédits photographiques : Nuno Ferreira / Sport-Auto.ch

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